Sahel: "les djihadistes sont nés des décombres de la guerre civile algérienne", selon un expert d'ICG

Le 29/01/2020 à 12h43, mis à jour le 29/01/2020 à 12h56

Revue de presseA l'origine du djihadisme dans le Sahel, il y a eu la guerre civile algérienne qui a fini par installer l'instabilité dans cette vaste zone. Mais, actuellement, les populations locales ont pris une place prépondérante dans les groupes djihadistes.

Mathieu Pellerin, spécialiste du Sahel à l'International Crisis Group (ICG) est formel sur l'origine algérienne du djihadisme qui ravage actuellement le Sahel. Dans une interview accordée à Radio France Internationale, il affirme que "les djihadistes au Sahel sont historiquement nés des décombres de la guerre civile algérienne, une partie des djihadistes qui ont refusé la politique d’amnistie («concorde civile») du président algérien (Abdelaziz Bouteflika, ndlr) ayant reflué au nord du Niger et surtout au nord du Mali où ils se sont progressivement sanctuarisés".

Il pointe également du doigt les Sahraouis en clarifiant ses propos: "le djihadisme est donc d’inspiration étrangère et, encore aujourd’hui, plusieurs de ces groupes sont dirigés par des étrangers", citant les "Sahraouis, Algériens et Mauritaniens".

Cependant, il ne serait pas exact de limiter le phénomène à l'arrivée des étrangers dans la zone et à leur déploiement, puisqu'ils ont réussi à "pénétrer les populations sahéliennes, en recrutant majoritairement en leur sein".

De sorte qu'actuellement, dans les principaux groupes terroristes de la sous-région sahélienne, les combattants sont "nigériens aux Niger, maliens au Mali, Nigérians au Nigeria, Burkinabè au Burkina Faso", explique-t-il. "Cette réalité basique devrait suffire à convaincre les Etats sahéliens de regarder avant tout leurs propres responsabilités", au lieu de continuer à pointer les acteurs étrangers.

Toujours selon lui, dans les groupes djihadistes, les visages arabes et touaregs sont de moins en moins prépondérants et laissent la place à des figures issues des populations locales, "notamment de la communauté peule, fortement représentée au sein des groupes jihadistes, qu’il s’agisse de JNIM ou de l’EIGS".

Evidemment, les Peuls sont loin d'être les seuls à s'engager auprès des djihadistes, mêmes s'ils sont souvent pointés du doigt. Au sein de "l'Etat islamique pour le grand Sahel (EIGS), il y a des cadres Daoussahak, des Djerma, des Gourmantché, etc. La katiba Macina d'Ansar Dine compte des cadres dogons et bambaras".

Néanmoins, la chute des groupes djihadistes au Moyen-Orient et les difficultés rencontrées au Maghreb, pourraient les pousser à affluer massivement vers le Sahel en particulier et l'Afrique en général.

A la question de savoir pourquoi le djihadisme trouve un terreau fertile dans le Sahel, l'expert d'International Crisis Group évoque un chapelet de facteurs.

"L’exclusion politique, la marginalisation communautaire, la permanence de situations d’esclavage par ascendance, le racket des communautés les plus fragiles, l’absence de perspectives de communautés déclassées sont autant de situations perçues comme «injustes» par ceux qui les vivent et qui leur donnent des raisons objectives de prendre les armes".

En somme, il s'agit davantage de rébellion dans une quête de justice que de motivations purement religieuses. Sauf qu'entre la recherche de la justice et la vengeance, il n'y a qu'un pas que les groupes armés franchissent allègrement.

Au-delà, il y a aussi les opportunistes en tous genres mus par divers intérêts: "pour des motivations économiques, par nécessité de se protéger contre un groupe armé ou d’autodéfense, ou contre les forces de défense et de sécurité, ou par simple opportunisme opérationnel pour ce qui est des bandits (coupeurs de route) qui s’allient aux djihadistes pour poursuivre leurs activités", liste Mathieu Perrin.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 29/01/2020 à 12h43, mis à jour le 29/01/2020 à 12h56