Algérie. Industrie automobile: l'astronomique facture d’importations des produits assemblés, signe d'un vrai fiasco

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Le 24/02/2019 à 10h06, mis à jour le 24/02/2019 à 10h17

Les importations des collections CKD ont atteint en 2018 un montant faramineux. Une croissance de la facture des importations synonyme d’un échec patent d’une politique de développement industriel du secteur automobile mal pensée. Explications.

Il ne se passe désormais plus un mois sans que les autorités algériennes n’annoncent l’implantation d’un constructeur automobile en Algérie.

Il faut dire qu’à cause d’une politique commerciale basée sur des quotas, puis des interdictions d’importations de véhicules imposés aux concessionnaires algériens, tous les constructeurs ont été obligés de recourir au montage local de leurs véhicules pour pouvoir distribuer leurs voitures sur cet important marché du continent africain.

Et qu'à cela ne tienne, certaines grandes majors du secteur automobile se sont donc alliées à des opérateurs algériens, bien souvent sans aucune expérience dans ce secteur industriel pourtant très en pointe, pour installer des unités de montage en Algérie et donc produire du «Made in Algeria».

Seulement voilà: dépourvue de tout écosystème automobile, et donc sans fournisseurs de composants, le montage automobile est devenu, de fait, un assemblage déguisé de véhicules totalement importés, montés au préalalble, et auxquels il ne manque plus que les roues à placer. Ces derniers, tout aussi importés, accompagnent souvent les véhicules qui viennent, eux, de pays dûment dotés d'un écosystème automobile (et donc d'un savoir-faire industriel éprouvé). 

Conséquence directe: si la politique de développement de l’industrie automobile, en Algérie, était surtout, à l'origine, destinée à réduire la facture des importations de voitures, il convient de constater que l'échec est aujourd'hui cuisant, de plus en plus difficile à déguiser.

En effet, selon les données disponibles, ce secteur, qui n'a "d'automobile" que le nom, a monté 180. 000 unités en 2018, contre 110 000 unités en 2017.

Toutefois, selon les données de la douane algérienne, la facture des importations des collections CKD – soit "Completely knocked down", entendez: "produits non assemblés", destinés à l’industrie automobile, ne cesse quant à lui de croitre, au fur et à mesure que les unités d’assemblage se mettent en place.

Ainsi, en 2018, comparativement à 2017, la valeur des importations des collections CKD de véhicules de tourisme a augmenté de 79,23% passant de 1,67 milliard de dollars à 3 milliards de dollars en 2018.

A importante cette facture importatrice, s’ajoute celle des importations des collections CKD des véhicules de transport de personnes et de marchandises de 40,5% à 732,12 millions de dollars.

Au total, la facture des importations des collections CKD du secteur de montage automobile algérien s’est établit à 3,75 milliards de dollars en 2018, contre 2,2 milliards de dollars en 2017, soit une hausse de 70%. Ce montant dépasse largement les 3,02 milliards de dollars dépensés en 2015 pour l’importation de 255 236 véhicules neufs.

Une augmentation de 1,53 milliard de dollars en l’espace d’une année illustre donc, de manière flagrante, l’échec de la politique industrielle du secteur automobile algérien.

Cet échec s’explique avant tout par l’absence d’intégration du secteur à l’économie locale. En effet, à cause de l’absence d’un écosystème automobile, les unités de montage importent en kits tous les composants des véhicules, sans aucune valeur ajoutée locale.

En effet, et de l’aveu même des autorités, cette politique est un véritable fiasco, en ce sens qu’elle n’a pas permis de réduire la facture des importations de véhicules.

Le taux d’intégration est, à cet égard, négligeable,et ne dépasse pas les 10% dans les meilleurs cas. Il fait d'ailleurs perdre à l’Etat des recettes fiscales, du fait des incitations dont bénéficient les opérateurs engagés dans cette industrie.

L’échec du secteur automobile contribue, en conséquence, à la sortie de devises algériennes, au lieu d’en économiser, et fait perdre à l’Etat d’importantes recettes fiscales et douanières à cause des incitations accordées aux opérateurs, sans pour autant créer des emplois.

Pire encore: les véhicules "Made in Algeria" coûtent plus cher que les véhicules importés de la même marque!

Décidément, enlever ses oeillères et convenir avec honnêteté que le "secteur de l’industrie automobile algérien" est en fait un véritable fiasco, ne serait pas de trop... 

Par Moussa Diop
Le 24/02/2019 à 10h06, mis à jour le 24/02/2019 à 10h17