Algérie: le gouvernement annonce la relance du mégaprojet de phosphate

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Le 11/06/2020 à 16h11, mis à jour le 12/06/2020 à 08h09

Pour sortir rapidement du tout pétrole, l’Algérie mise sur les mines, notamment sur les phosphates qui font le bonheur de son voisin de l’Ouest. Ainsi, elle vient d’annoncer la relance de son mégaprojet intégré, à l’est du pays. Toutefois, la partie est loin d’être gagnée. Explications.

Sortir du tout pétrole, c’est l’ambition du président algérien Abdelmadjid Tebboune, qui a annoncé en mai dernier que l’Algérie allait se tourner vers l’exploitation de son potentiel minier. Il faut dire qu’il n’a pas le choix. Le pétrole n’est plus une ressource sûre pour l’Algérie. Outre l’épuisement des puits de pétrole et de gaz et la concurrence exacerbée sur les marchés internationaux, le pays est à la merci des évolutions erratiques des cours mondiaux de l’or noir et du gaz, avec une tendance baissière lourde à cause d’une surproduction mondiale.

Face à cette situation, après des décennies d’une économie entièrement reposée sur la rente pétrolière, le pays compte démarrer sa diversification en misant sur les phosphates.

Ainsi, selon Ferhat Ait Ali Braham, ministre de l’Industrie et des mines, le mégaprojet intégré d’exploitation et de transformation du phosphate à l’Est du pays sera prochainement relancé.

Ce projet annoncé depuis quelques années revêt un caractère spécifique pour l’Algérie. Outre le fait que son potentiel est jugé exceptionnel par les autorités algériennes, les dirigeants algériens souhaitent surtout en faire une industrie à même de "concurrencer" le mastodonte que constitue l’Office chérifien des phosphates (OCP) du Maroc, leader mondial des phosphates.

Il s’agit d’un projet intégré d’exploitation et de transformation du phosphate qui englobera 5 régions du pays : Tebessa, Souk Ahras El Tarf, Skikda et Annaba. L’objectif est de faire de l’Algérie l’un des principaux fournisseurs d’engrais du monde.

Seulement, ce projet annoncé depuis quelques années n’arrive pas à sortir des cartons. Pourtant, un mémorandum a été signé en 2018 entre la société Asmidal (filiale du groupe Sonatrach) et Manadjim El Djazair (Manal), contrôlant 51% du capital, et les Chinois (Citic, Wengfu, Fonds de la Route de la soie, Fonds sino-africain pour le développement, etc.) détenant 49% des parts.

Suite à la signature de ce mémorandum, il était prévu que les travaux démarrent en 2019. Toutefois, depuis cette signature, c’est le statu quo. «Pour l’instant, tout est à l’étude. Tant que nous n’avons rien signé, nous n’avons rien à dire. Rien n’est sûr, des deux côtés d’ailleurs. Pour l’instant nous avançons sur plusieurs fronts et le jour de la signature nous vous dévoilerons tout», a expliqué le ministre, selon l’APS.

Il faut dire que l’actionnariat du mégaprojet pourrait connaître quelques changements. La société chinoise Cetic qui devrait contribuer au développement du complexe phosphatier a été introduite par les frères Kouninef, oligarques proches du clan Bouteflika, qui sont actuellement en prison.

En outre, le coût d’investissement global du projet, estimé à 10 milliards de dollars, est colossal pour l’Algérie, qui fait face à une baisse drastique de ses revenus pétroliers, 95% de ses recettes d’exportations.

Enfin, les réalisations de plusieurs infrastructures dont un quai phosphatier à Annaba et une usine de dessalement de l’eau de mer n’ont pas encore été lancées.

Ainsi, l’Algérie, qui comptait augmenter sa production à 10 millions de tonnes par an à l’horizon 2022 et figurer dans le Top 5 mondial des producteurs de phosphates, stagne depuis.

Bref, cette sortie du ministre illustre qu’il s’agit, une fois encore, plus d’un effet d’annonce que du lancement concret du mégaprojet, dont le coût d’investissement est colossal.

Selon diverses informations, l’Algérie dispose de réserves en phosphates estimées à 2,2 milliards de tonnes, très loin des réserves du Maroc estimées à 50 milliards de tonnes, soit plus de 72% des réserves mondiales. Le groupe marocain contrôle près de 50% des parts du marché mondial, environ 45% de l’acide phosphorique et plus de 20% des engrais produits dans le monde, en 2018.

Par Karim Zeidane
Le 11/06/2020 à 16h11, mis à jour le 12/06/2020 à 08h09