Algérie. PLF 2021: le «nouveau modèle économique» est déjà oublié

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Le 11/11/2020 à 11h29, mis à jour le 11/11/2020 à 11h35

Le ministre des Finances, Aymen Benabderrahmane, a présenté les grandes lignes du projet de loi de finances 2021 à l’Assemblée populaire nationale (APN). Celui-ci n’apporte aucune approche de relance économique et ne montre pas le moindre début d’un changement de modèle économique, pourtant promis.

Après une année 2020 difficile, marquée par la pandémie du Covid-19 et la chute des cours du baril de pétrole, qui a impacté très négativement sur les recettes des hydrocarbures, voici venu le temps du Projet de loi de finances 2021 (PLF 2021), présenté par le ministre des Finances algérien, Aymen Benabderrahmane. D’emblée, celui-ci a expliqué que ce PLF 2021 est préparé dans une conjoncture exceptionnelle, caractérisée par une double crise, financière et sanitaire.

Des conditions qui ont poussé l’argentier du pays à être prudent sur les hypothèses qui président à sa confection du PLF 2021.

Ainsi, le gouvernement algérien, après une récession en 2020, à cause des effets de la pandémie du Covid-19 sur l’économie du pays, devrait renouer avec la croissance selon les projections attendues, et table sur une progression de Produit intérieur brut (PIB) de 4,0%, après une contraction de -4,6% au terme de cette année. Cette croissance devrait être tirée par des projets structurants, qui seront réalisés dans le cadre d'un Partenariat public-privé (PPP).

Toutefois, l’argentier algérien reconnaît que cette reprise dépendra de deux facteurs fondamentaux. D’abord, la fin de la pandémie du Covid-19, qui a handicapé l’économie algérienne, notamment à cause du confinement et des dépenses exceptionnelles consacrées à la lutte contre la pandémie.

Ensuite, la croissance attendue dépendra fortement de l’évolution du cours du baril de pétrole, sachant que les recettes d’exportation algérienne dépendent à hauteur de 95% de l’or noir, et que le pétrole assure autour de 60% des recettes budgétaires du pays.

Ce retour à une croissance de 4,5% sera aussi rendu difficile par la politique de rationalisation des dépenses et le gel de nombreux programmes d’investissement.

Concernant le déficit budgétaire, il devrait continuer à se détériorer davantage, pour se situer à plus de 20 milliards de dollars, soit 13,75% du PIB, contre une projection de 10,4% en 2020.

Toutefois, selon les projections de nombreuses institutions financières internationales et organismes (telles le FMI, Bloomberg, etc.), le déficit budgétaire algérien devrait se situer autour de 20% en 2020.

Il faut dire que le déficit budgétaire de 2021 est calculé sur la base d’un cours du baril de pétrole à 40 dollars. Une projection du cours du baril de pétrole très basse, qui s’explique par la prudence des autorités algériennes, après la chute du cours du baril de pétrole en 2020 dans le sillage de la baisse de la demande mondiale du pétrole, à cause des confinements et du ralentissement de l’économie mondiale.

Avec ce cours, les recettes des hydrocarbures devraient s’établir à 23,21 milliards de dollars en 2021, avant de remonter légèrement à 28,68 milliards de dollars en 2022, contre 34 milliards de dollars de recettes engrangées en 2019.

Quant à l’élargissement de l’assiette fiscale, il accentuera la pression fiscale avec le risque de décourager les investisseurs et de réduire le pouvoir d’achat de la classe moyenne.

Autant de facteurs qui vont peser sur la croissance du PIB en 2021.

Concernant les réserves de changes, elles devront se situer à 46,84 milliards de dollars, selon le PLF 2021. Il s’agit d’une projection très optimiste, avec un niveau du cours du baril de pétrole aussi bas, sachant que la Loi de finances 2020 projetait un niveau de réserves de 47,8 milliards de dollars pour un cours de référence du baril de pétrole à 50 dollars. C'est dire que les réserves devraient seulement baisser de 1 milliard de dollars, entre 2020 et 2021. C'est dire que la projection sur les réserves de change est bien trop optimiste.

Enfin, l’argentier du pays est revenu sur l’évolution attendue de la valeur du dinar algérien. Selon les projections, la monnaie algérienne devrait se déprécier annuellement de 5% de sa valeur par rapport au dollar américain, en 2021 et en 2022 également.

In fine, le PLF 2021 qui devrait être celui d'une rupture avec le passé, n’apporte aucune vision stratégique ou d’approche de relance économique claire, alors que le pays traverse depuis de nombreuses années une crise économique et financière aigue qui nécessite un véritable plan de relance.

Et pourtant, le 18 août dernier, cette relance avait fait l’objet de débats en présence du président Abdelmadjid Tebboune. Le président algérien avait révélé la disponibilité d’une enveloppe de 1.900 milliards de dinars, soit 12,5 milliards de dollars, auxquels 12 autres milliards de dollars pourraient s’ajouter, pour mettre en place, sur le court terme, un plan de relance qui s’appuierait sur un nouveau modèle économique, qui permettrait de sortir le pays petit à petit de la rente pétrolière, vers un nouveau modèle basé sur une économie productive, compétitive et pérenne.

A ce titre, le président avait avancé que le pays allait réduire sa dépendance vis-à-vis des recettes des hydrocarbures, actuellement de 98%, en tenant comptes des hydrocarbures et de leurs dérivées, à 80%. Au vu du PLF 2021, aucune mesure de relance claire n’est annoncée. Les autorités ont visiblement préféré un prudent statu quo.

En serait-il autrement, sachant que le pays fait face à une crise financière aigue, et que les autorités refusent de recourir à l’endettement extérieur pour financer des projets de développement à impacts structurants pour l’économie algérienne? Bref, ce PLF 2021 montre clairement que le nouveau modèle économique annoncé en août dernier n'était qu’un slogan creux, celui de discours et de belles promesses, sans lendemains.

Par Moussa Diop
Le 11/11/2020 à 11h29, mis à jour le 11/11/2020 à 11h35