Algérie: la chute irréversible du dinar s'accélère et les autorités crient au complot contre le Maroc

Dinar algérien.

Dinar algérien.. DR

Le 26/05/2021 à 14h32, mis à jour le 26/05/2021 à 16h04

En proie à la plus sévère crise économique et financière de son histoire, l'Algérie voit sa monnaie s'effondrer au fils des années. Depuis 2012, le dinar à perdu près de 40% de sa valeur et rien ne prédit un redressement. La nouvelle trouvaille du régime est de pointer le Maroc du doigt.

Après avoir actionné une planche à billets, jusqu'à produire officiellement l'équivalent de 55 milliards de dollars, soit quelque 6.500 milliards de dinars et devant son incapacité de diversifier l'économie du pays, les autorités algériennes évoquent un complot contre le dinar qui serait ourdi à partir de leur voisin immédiat de l'Est qu'est le Maroc. Une explication qui fait sourire tant, les indices montrent depuis plusieurs années que la monnaie algérienne est condamnée à se déprécier.

Car, la réalité est que le dinar est devenu une monnaie de singe et les Algériens sont les premiers à s'en être rendus compte. Il suffit de parcourir la presse depuis quelques jours pour le constater. Tous les journaux et sites d'information ont consacré au moins un article à cette chute, dont tirent le plus grand profit les cambistes clandestins de Square Port Saïd, et qui semble irréversible.

Sous le titre "Le Dinar enregistre une chute historique face à l'Euro: Port Saïd flambe!", le site du quotidien algérien, L'Expression, rapporte les jubilations des cambistes du marché parallèle. Ce site fournit l'explication de l'accélération soudaine de la chute du dinar qui s'échange désormais au cours officiel de 170 pour 1 euro, un pic historique.

La raison de cette subite aggravation de la perte de valeur du dinar, face à l'euro et au dollar, serait l'annonce de l'ouverture prochaine des frontières terrestres et aériennes algériennes fermées depuis plus d'une année, explique le même journal.

En réalité, c'est une tendance de fond observée depuis plusieurs années. Le dinar a perdu 36,2% de sa valeur entre mai 2012 et mai 2021. Mais, l'inquiétude du régime se justifie par l'accélération de la baisse de valeur qui est très perceptible sur la courbe, notamment à partir de début 2020.

Graphique: Evolution du cours de change Dinar algérien/Euro sur les 10 dernières années.

Tout ceci est étroitement lié aux revenus des hydrocarbures du pays qui représentent, faut-il le rappeler, jusqu'à 95% des recettes d'exportations algériennes. Or, le cours du baril de pétrole a commencé à piquer du nez en juillet 2014 passant d'une moyenne de 110 dollars, cette année-là, à quelque 68 dollars ce mercredi 26 mai 2021. Et, entre les deux, le pire a été vécu l'année dernière, avec des cours négatifs le temps d'une séance, mais qui ont difficilement atteint la barre des 50 dollars à partir de décembre.

Graphique: Evolution du cours du baril de Brent depuis 2013

Or, la conséquence directe de cette baisse des cours du pétrole est justement l'enchaînement des difficultés économiques du pays: recul des réserves de change jusqu'à épuisement total du matelas financier, puis pénurie de devises et donc dépréciation du dinar, incapacité de l'Etat à continuer à financer son budget, impossibilité d'importer des produits de première nécessité... Mais aussi et surtout, c'est une situation inextricable de laquelle le régime ne peut s'extirper tant que les cours du pétrole ne remontent pas. Or, d'après le Fonds monétaire international (FMI), les cours qui permettraient à l'Algérie de respirer à nouveau sont de près de 160 dollars, donc inatteignables à court terme.

C'est donc face à une situation qu'elles ont elles-mêmes créée et entretenue, que les autorités algériennes cherchent des boucs émissaires en évoquant de la fausse monnaie qui serait introduite dans le pays via des réseaux de contrebande.

"Tout comme la stratégie du kif, la manoeuvre du faux-monnayage est inspirée de laboratoires du Makhzen. C'est un crime aux conséquences socio-économiques difficiles à appréhender, tant il touche directement au coeur de l'Etat", écrit L'Expression après avoir relayé le communiqué officiel de l'armée algérienne. "Le régime de Rabat franchit un pas supplémentaire dans sa guerre déclarée à l’Algérie, en introduisant de la fausse monnaie pour noyer l’économie algérienne à travers les circuits de la contrebande. L’annonce a été faite par le ministère de la Défense nationale, qui révèle, ce mardi, que quatre milliards de centimes ont été saisis à la frontière ouest, dont plus de trois milliards en faux billets de 1.000 et 2.000 dinars", renchérit un site propagandiste, proche de l'appareil militaire, qui est contrôlé par le fils du général Khaled Nizzar.

Il est évident que la dernière trouvaille des apparatchiks est de faire porter le chapeau au Maroc. L'infox est véhiculée par les organes proches de l'appareil militaire.

Il s'agit d'une tentative désespérée de préparer les Algériens au pire, à savoir l'effondrement total de l'économie dont l'échéance approche à grand pas. La démarche semble inspirée du Venezuela d'Hugo Chavez et de Nicolás Maduro, deux dirigeants qui ont pointé du doigt les Etats-Unis et d'autres ennemis imaginaires, à chaque fois que le pays faisait face à la crise.

Pourtant, les autorités algériennes gagneraient à se rappeler que ce sont les difficultés économiques et financières dans lesquelles le pays est empêtré qui les avaient poussées à actionner la planche à billets jusqu'à atteindre l'équivalent de près de 55 milliards de dollars. Or qu'est ce financement, pudiquement appelé "non conventionnel", si ce ne sont des faux billets légalisés?

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 26/05/2021 à 14h32, mis à jour le 26/05/2021 à 16h04