Gaz: après les Etats-Unis, la Russie chipe à l’Algérie la seconde place des fournisseurs de gaz à l’Espagne

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Le 12/07/2022 à 15h07, mis à jour le 12/07/2022 à 15h10

Longtemps premier pays fournisseur de gaz à l’Espagne grâce à deux gazoducs, l’Algérie, à cause de ses choix politiques et son incapacité à honorer ses engagements, a été reléguée en juin au 3e rang des fournisseurs de gaz à l'Espagne, surclassée par la Russie.

L’Algérie, à cause de ses choix politiques et son incapacité à respecter ses engagements, perd du terrain en tant que fournisseur de gaz à l’Espagne. Déjà reléguée au second rang par les Etats-Unis sur ce marché dont elle a été durant des décennies le principal acteur, voila que l’Algérie a été surclassée en juin dernier, pour la première fois, par la Russie, au moment où celle-ci fait face à l’embargo des pays européens, selon Bloomberg.

Ainsi, en juin dernier, les importations espagnoles de gaz en provenance des Etats-Unis se sont établies à 10.618 GWh, sur un total de 35.890 GWh durant ce mois, soit une part de marché de 30%. Derrière les Etats-Unis, la Russiea fourni en juin dernier à 8.752 GWh de gaz à l'Espagne, soit une part de marché de 24,40%. Les importations en provenance de la Russie sont constituées uniquement de Gaz naturel liquéfié (GNL). L'Algérie, quant à elle, a vu ses exportations de gaz vers l’Espagne s’établir à 7.763 GWh durant le mois de juin, contre 9.094 GWh en mai, soit une part de marché de 22%.

Sur tout le premier semestre, les Etats-Unis consolident leur position de fournisseur leader à l’Espagne avec un volume total de 78.078 GWh, multipliant par 4,3 le volume des importations de la même période de l’année dernière. Cette situation s’explique par le fait que pour sécuriser davantage son approvisionnement en gaz, l’Espagne s’était tournée dès 2021 vers le GNL, qui a représenté durant le premier semestre de l’année en cours 77% de ses importations de gaz, contre 48% en 2021.

Cette anticipation s’est révélée judicieuse, vu que les importations de gaz via le gazoduc Medgaz reliant l’Algérie et l’Espagne ont chuté de 40%. Une situation qui a fortement réduit la part des importations cumulées de gaz en provenance de l’Algérie durant le semestre écoulé, lesquelles se sont établies à 55.962 GWh, en baisse de 41,11% par rapport au volume enregistré durant la même période de l’année dernière. A noter que 92% des livraisons de gaz de l’Algérie vers l’Espagne ont transité via le gazoduc Medgaz.

Cette forte baisse anticipée par l’Espagne s’explique par une volonté manifeste des autorités algériennes de punir les autorités espagnoles après la décision du gouvernement de Pédro Sanchez d’appuyer le plan marocain d’autonomie pour le Sahara occidental. Une décision qui a poussé Alger à suspendre le traité d’amitié la liant à Madrid depuis 20 ans. Puis, dans une hystérie inquiétante, le régime militaire a décidé de réduire ses livraisons de gaz à la péninsule ibérique et de suspendre l’inauguration de l’extension de la capacité du gazoduc Medgaz, désormais le seul gazoduc reliant les deux pays.

Consciente de la forte demande du gaz au niveau du marché européen à cause de la crise en Ukraine, l’Algérie a ainsi voulu punir l’Espagne en orientant davantage la livraison de son gaz à l’Italie, à laquelle elle a promis en avril dernier de fortes augmentations de livraisons de gaz, à hauteur de 10 milliards de mètres cubes supplémentaires à l’horizon 2024, dont 4 milliards de mètres cubes dès cette année. Pourtant, le pays nord-africain ne dispose que de 2 à 3 milliards de mètres cubes mobilisables rapidement. Ainsi, pour satisfaire l’Italie, et face à l’incapacité à grignoter sur la consommation intérieure qui représente la moitié de la production de gaz du pays, la seule alternative restante était de réduire les livraisons destinées à l’Espagne.

Au-delà des raisons politiques, cette perte de parts sur le marché espagnol s’explique par l’incapacité de l’Algérie à honorer ses engagements envers son client ibérique, tout en augmentant ses livraisons de gaz à l’Italie, au moment où elle fait face à l’épuisement de ses puits de gaz et à une très forte augmentation de la consommation locale.

De son côté, l’Espagne avait bien fait d’anticiper la baisse des livraisons de gaz par l’Algérie et miser sur le GNL plutôt que sur le gazoduc Medgaz. Bien avant cela, l’Algérie avait fermé en novembre 2021 le Gazoduc Maghreb-Europe (GME) la reliant à l’Espagne via le Maroc, arguant disposer des capacités nécessaires via le gazoduc Medgaz pour acheminer plus de 10 milliards de mètres cubes de gaz à la péninsule ibérique.

Aujourd’hui, les deux pays négocient une revalorisation des prix du gaz dans le sillage de la flambée des cours de cette énergie sur le marché mondial. Et il est fort probable qu’Alger essaye de faire payer à son client historique le prix de son soutien au plan marocain d’autonomie pour le Sahara occidental, de plus en plus reconnu au niveau mondial comme unique solution viable et durable à ce différend.

Par Karim Zeidane
Le 12/07/2022 à 15h07, mis à jour le 12/07/2022 à 15h10