El Kadi "a été placé aujourd'hui par le juge d'instruction près le tribunal Sidi M'hamed (à Alger) sous contrôle judiciaire", ont-ils précisé.
Cette figure des médias indépendants algériens a été présentée mardi devant le procureur, au lendemain d'une convocation par la gendarmerie à Alger dans le cadre d'une "procédure d'urgence".
Selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), El Kadi est accusé de "diffusion de fausses informations à même de porter atteinte à l'unité nationale", "perturbations des élections" et "réouverture du dossier de la tragédie nationale" des années 1990.
Ce dernier chef d'accusation se réfère à la Charte pour la paix et la réconciliation, censée tourner la page de la guerre civile de la "décennie noire" (1992-2002).
Lire aussi : Algérie. Hirak: plusieurs journalistes interpellés, dont un photographe de l'AFP
L'article 46 punit d'une peine de trois à cinq ans de prison "quiconque qui, par ses déclarations, écrits ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale, pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire, fragiliser l'Etat, nuire à l'honorabilité de ses agents qui l'ont dignement servie, ou ternir l'image de l'Algérie sur le plan international".
Le ministère de la Communication a déposé plainte contre El Kadi après la publication d'un article le 23 mars sur le site de Radio M dans lequel il plaidait contre la "diabolisation" du mouvement islamo-conservateur Rachad, considéré comme un mouvement terroriste par Alger.
Museler la dissidence
La décision de mardi est un nouveau signe de la volonté du régime -dont le pilier est l'armée- de museler toute voix dissidente à l'approche des élections législatives anticipées du 12 juin.
"La dérive autoritaire se poursuit", a déploré la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme sur Twitter, en "réitérant sa solidarité et en appelant au respect du droit et à l'abandon des charges retenues contre le journaliste".
Par ailleurs, une journaliste politique de Radio M, Kenza Khatto, en garde à vue depuis vendredi, a été remise en liberté provisoire mardi après avoir été présentée au procureur du tribunal de Sidi M'hamed, selon Radio M et le CNLD.
Lire aussi : Affaire Drareni: le président Abdelmadjid Tebboune accuse RSF de vouloir "déstabiliser" l'Algérie
Son procès a été fixé au 25 mai. La jeune journaliste s'est évanouie au début de l'audience et a dû être évacuée pour recevoir des soins, a précisé l'association d'aide aux détenus d'opinion.
Selon son avocate Zoubida Assoul, elle a subi des violences lors de son interpellation.
Elle est accusée d'"atteinte à l'unité nationale", de "publications pouvant porter atteinte à l'intérêt national", d'"incitation à attroupement non armé" et d'"outrage à corps constitué".
Kenza Khatto a été arrêtée à Alger, avec une quinzaine de reporters et photographes de presse -dont celui de l'AFP-, qui s'apprêtaient à couvrir la marche hebdomadaire du Hirak.
Lire aussi : Algérie: un journaliste condamné par contumace à 7 ans de prison
"A trois semaines des législatives, les journalistes sont systématiquement et violemment empêchés de couvrir les manifestations hebdomadaires du Hirak", a protesté mardi l'ONG Reporters sans frontières dans un communiqué, se disant "extrêmement préoccupée par cette répression croissante et le verrouillage de l'information en Algérie".
Le pays figure à la 146e place (sur 180) du classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.