Algérie: un verbiage qui montre un malaise dans l'armée et dans le pays

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Le 07/01/2019 à 13h23, mis à jour le 07/01/2019 à 13h27

Qu'ils soient civils ou militaires, les dirigeants algériens ont les nerfs à fleur de peau à cause du flou qui entoure les perspectives politiques du pays. L'armée vient même de perdre son sang-froid et s'adresse de manière virulente a un officier retraité qui n'a pas la langue dans sa poche...

Dépassée par les évènements et surtout par la pertinence du tonitruant général à la retraite Ali Ghediri, la Grande Muette algérienne multiplie en ce moments les déclarations, au risque même de s'emmêler les pinceaux.

Cette attitude pour le moins fébrile est emblématique d'un véritable malaise au sein des rangs de ses officiers subitement devenus très loquaces. 

Après la sortie du général Ahmed Gaïd Salah, à travers un communiqué qui a clairement mis en garde les généraux à la retraite mus par "une ambition démesurée", voilà que la revue spécialisée de l'armée, El Djeich, vient de publier un éditorial allant dans le même sens. 

Sous un titre faisant clairement allusion à la sortie de Ali Ghediri, "La caravance passe...", le porte-plume du général Gaïd Salah dégaine un très inhabituel style au vitriol pour se lancer dans une salve contre celui qui a longtemps été l'ex-directeur du personnel de l'armée, et qui, depuis à présent une année, adresse une série de critiques à ses dirigeants, via des lettres ouvertes et des interviews. Le ton utilisé dans cet édito démontre d'ailleurs très clairement que le chef d'Etat-major des armées vient de perdre son sang-froid, pourtant vital dans l'exercice de sa fonction... 

Le porte-plume reproche-t-il à Ali Ghediri d'avoir dit, dans sa dernière interview, le 25 décembre dernier dans le quotidien El Watan, que le général Gaïd Salah était le "gardien de la Constitution", et un "dernier rempart"? Très probable. Car si Ali Ghediri, général-major à la retraite n'en est pas à sa premier sortie, c'est toutefois bien la première fois que Gaïd Salah sort de ses gonds. 

Mais en vérité, l'Algérie toute entière vit un malaise identique, notamment les caciques du régime, qui doivent leur privilège au seul maintien, bien artificiel, de Abdelaziz Bouteflika à la tête du pays.

Or, tout le monde sait, sans jamais oser le dire, que depuis toujours, le pouvoir en Algérie se trouve entre les mains d'un trio, composé de la Présidence, de l'Armée et des Services de renseignement (ex-DRS)...

Sauf qu'aujourd'hui, l'ex-Département des renseignements et des services (DRS) a été purement et simplement démantelé, suite à une immense vague de limogeages, et que Abdelaziz Bouteflika, et c'est là un secret de Polichinelle, n'incarne plus la présidence.

Du coup, et la sortie de Ali Ghediri se trouve là pleinement justifiée, il ne reste plus que Gaïd Salah, vice-ministre de la défense, général de corps d'armée et chef d'Etat-major général des armées, comme... "dernier rempart"... 

La réaction énergique et inhabituelle de Gaïd Salah témoigne donc de ce malaise que les sorties franches et directes de Ali Ghediri ont créé, non seulement au sein de l'armée, qu'il a sans cesse interpellée, mais également dans l'entourage de Bouteflika, qui n'a pas manqué de supplier Gaïd Salah, en sa qualité de vice-ministre de la Défense, de rassurer les Algériens.

Voilà sans doute ce qui explique que tous ces dirigeants, civils ou militaires, ont tant les nerfs à fleur de peau... 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 07/01/2019 à 13h23, mis à jour le 07/01/2019 à 13h27