2.703 migrants, entre janvier et fin juillet 2020: cela faisait déjà de l'Algérie le plus gros émetteur de haragas vers la Péninsule ibérique, avec 55% des clandestins. Puis, brusquement, 800 autres débarquent dans des pateras le temps d'un week-end grossissant les rangs d'une population que Madrid a déjà beaucoup de mal à gérer.
Cela a suffi pour que le ministre de l'Intérieur espagnol, Fernando Grande-Marlaska Gomez, se rende ce lundi 10 août à Alger pour évoquer cette lancinante question avec son homologue algérien. D'ailleurs, une très forte délégation l'accompagne, ce qui témoigne de l'importance du déplacement.
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Evidemment, l'immigration est un sujet gênant pour Alger qui préfère inscrire cette visite "dans le cadre de la coopération entre les secteurs de l'Intérieur des deux pays, [qui] constituera une opportunité pour l'enrichissement et la consolidation des échanges dans les domaines d'intérêt commun entre les deux ministères", selon le communiqué officiel du gouvernement algérien.
Madrid essaie de prendre les devants afin d'éviter la déferlante migratoire algérienne qui paraît inévitable compte tenu du contexte économique et financier particulier que traverse le pays d'Afrique du Nord.
En effet, l'économie algérienne et les ressources budgétaires de l'Etat algérien dépendent essentiellement du pétrole et du gaz dont les cours sont au plus bas. Les hydrocarbures représentent jusqu'à 95% des exportations et 60% des revenus du Trésor. Or, les cours du baril de Brent ne parviennent pas à remonter après leur chute historique due au double facteur de la rivalité entre la Russie et l'Arabie saoudite, d'une part et de la crise du Covid-19, de l'autre.
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C'est ce qui explique le départ massif des jeunes Algériens qui n'ont d'autre choix que de tenter leur chance à l'étranger, d'autant qu'ils représentent la tranche de la population la plus touchée par le chômage.
Les institutions internationales sont très pessimistes sur l'avenir immédiat de l'Algérie. Le cabinet Verisk Maplecroft a estimé, mi-juillet, que l'Algérie faisait partie des 37 pays dans le monde qui seront touchés par une crise sociale induite par le Covid-19. Le FMI et la Banque mondiale estiment que l'une des pires récessions attend le pays pétro-gazier à partir de 2020.
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En effet, la Banque mondiale prévoit que l'Algérie et l'Irak seront les deux pays producteurs de pétrole les plus vulnérables et les plus fragilisés par le double-choc de la pandémie du Covid-19 et de la chute des cours du baril. Pour sa part, le FMI s'est surtout inquiété des déficits jumeaux liés à ce recul inédit des cours du brut, notamment celui de la balance des paiements et celui du budget. Les réserves de changes qui étaient de 200 milliards de dollars en 2014, soit l'équivalent de 60 mois d'importations, ne seraient plus que d'une quarantaine de milliards de dollars, soit un peu moins d'une année entière de couverture des importations.
Cette situation, qui est la cause réelle de la vague de fuite des jeunes Algériens de leur pays vers l'Espagne en particulier et vers l'Europe en général, n'est pas près de s'améliorer. C'est pourquoi Madrid s'inquiète d'être envahie par un flot de migrants. C'est ce qui explique également que la ministre espagnole des Affaires étrangères, Arancha González Laya, ait préféré que ce soit son homologue de l'Intérieur qui se rende à Alger pour attaquer de front la question et mettre un terme au problème.