L’Algérie mortifiée par la suspension par les Émirats de la délivrance de visas

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Le 26/11/2020 à 16h03, mis à jour le 26/11/2020 à 16h05

Revue de presseLes Emirats arabes unis ont décidé de suspendre la délivrance de visas aux citoyens algériens. Une décision jugée inamicale et hostile en Algérie. En l’absence de réaction officielle à cause de l'hospitalisation du président Tebboune en Allemagne, ce sont les médias qui s'attellent à la tâche.

Après la lune de miel entre Emiratis et Algériens lors du tandem Bouteflika-Gaïd Salah, avec à la clé de nombreux investissements émiratis en Algérie, un froid dans les relations entre les deux pays.

Dernier acte en date, la décision des Emirats arabes unis de suspendre l’octroi de visas aux ressortissants algériens. En clair, les demandes de visas pour un nouvel emploi et l'octroi de visas pour des visites sont suspendus pour les Algériens.

Cette décision qui est entrée en vigueur le 18 novembre courant, concerne, en plus de l’Algérie, 12 autres pays: le Pakistan, la Turquie, l'Iran, la Libye, le Yémen, la Syrie, l'Irak, la Somalie, le Kenya, le Liban, la Tunisie, l'Afghanistan.

Selon Reuters qui a contacté une source gouvernementale émiratie, «la décision de suspendre la délivrance de visas à ces 13 pays a été prise pour des raisons de sécurité nationale».

Une décision qui se justifie logiquement par les nouvelles relations des Emirats avec Israël, car l'établissement de relations diplomatiques entre ces deux pays expose aujourd'hui cet état fédéral du Golfe à grand risque terroriste.

C'est sans doute ce qui explique que l'ensemble des pays concernés soient de potentiels émetteurs de terroristes, comme l'Algérie l'a si bien montré en déstabilisant le Sahel.

En attendant, le silence du régime algérien est préoccupant. En l’absence du président Abdelmadjid Tebboune, hospitalisé en Allemagne, c’est le blocage total des institutions. Du coup, ni le ministre des Affaires étrangères, ni une personnalité politique et ni même aucun parti politique n’a réagi à la décision émiratie.

Toutefois, cette suspension de la délivrance de visas émiratis choque au plus haut niveau, dans ce pays d'Afrique du Nord, comme en atteste la virulence des réactions des médias algériens, en l’absence de réactions officielles.

«Après avoir broyé du Syrien, massacré du Libyen, cassé du Yéménite, trahi les Palestiniens, (après s'être) aplatis devant leur maître Netanyahu, les Emirats arabes unis viennent d’accrocher une autre médaille à leur tableau de chasse: ils ont décidé d’une suspension de la délivrance des visas aux citoyens de 13 pays dont l’Algérie, pour des raisons de sécurité», souligne le quotidien L’Expression.

Ce qui choque surtout les Algériens, c’est que dans cette liste ne figure pas leur voisin de l’ouest. «Le Maroc ne fait pas partie de cette liste», souligne le quotidien algérien, allant jusqu’à trouver un lien entre cette décision souveraine émiratie et l’intervention de l’armée marocaine à El Guerguerat pour remettre de l’ordre au blocage par des éléments du Polisario de cette zone tampon, par laquelle passent des marchandises en direction de la Mauritanie.

Plus direct, le site algérien d'information jeune.indépendant.net explique que «l’absence dans la liste d’un pays comme le Maroc, qui n’offre pas plus de garanties que ses deux voisins du Maghreb, en matière tant sanitaire que sécuritaire, est difficile à expliquer autrement que par des considérations politiques».

Du coup, les Algériens réfutent l’argumentaire sécuritaire. Pour certains d’entre eux, cette décision est liée au rétablissement des relations entre les Emirats et Israël.

Ainsi, selon Le Courrier d’Algérie, «ce petit émirat du Golfe profite de son aisance financière et de ses liens avec la finance internationale et certains lobbies occidentaux pour se faire le gendarme dans la région Mena et pour être le cheval de Troie par lequel sera imposée la normalisation avec l’Etat hébreu».

Certains ont ainsi justifié cette décision par la crainte des Emiratis que «les Algériens risqueraient de perturber la quiétude de touristes israéliens qui se pavanent sur les lacs de Dubaï», écrit L’Expression.

De même, sur le dossier libyen, explique Le Courrier d’Algérie, «les Emirats sont gênés par l’Algérie dans leur volonté d’imposer une solution dictée par les puissances étrangères et régionales, en Libye». En outre, l’ouverture d’un consulat émirati à Laâyoune n’a pas du tout plu à l’Algérie, dont certains ont craint que cette première représentation d'un pays moyen-oriental au Sahara ne fasse des émules parmi d'autres pays du Golfe, comme c’est le cas avec les pays africains, qui multiplient les ouvertures de consulats dans le sud du Maroc.

Partant, pour le Courrier d’Algérie, les émiratis «voient la position de notre pays inamicale et contraire à leurs intérêts, rien que ça».

En conséquence, les médias algériens appellent les autorités à une riposte. Si certains parlent d’appliquer le principe de la réciprocité, règle chère à l’Algérie et très souvent appliquée, d’autres avancent que le pays doit sanctionner économiquement les émiratis. A ce titre, certains avancent qu’Alger doit leur retirer la gestion du port d’Alger.

C’est toutefois bel et bien l’Algérie qui dépend des Emirats et non le contraire. Au cours de ces dernières années, particulièrement pendant la période du tandem Gaïd Salah-Bouteflika, les Emirats ont beaucoup investi dans le pays. 

L’Algérie qui fait face à une crise économique et financière aiguë, n’a plus les coudées franches pour appliquer la réciprocité ou d'entreprendre des sanctions contre les Emirats, et ce, d’autant que l’établissements des relations avec Israël concerne d’autres pays du Golfe. Toute sanction contre les Emirats pourrait avoir des conséquences néfastes vis-à-vis des autres pays du Golfe.

Autre preuve que l’Algérie est désarmée, quelques jours après cette annonce de la suspension de la délivrance de visas aux Algériens, le ministre algérien du Commerce, Kamel Rezig, discutait avec l’ambassadeur des Emirats en Algérie, le 22 novembre, des «voies et moyens de renforcer la coopération bilatérale et d’attirer davantage d’investissements», relève le site TSA Algérie.

On comprend ainsi les raisons du silence des autorités algériennes, dont l’économie est minée par une crise sans précédent à laquelle vient s’ajouter une crise institutionnelle, avec l’hospitalisation du président Tebboune en Allemagne depuis bientôt un mois, bloquant ainsi toute prise de décision.

Par Karim Zeidane
Le 26/11/2020 à 16h03, mis à jour le 26/11/2020 à 16h05