Pierre Audin, mathématicien comme son père, aujourd'hui à la retraite, vient d'obtenir son passeport algérien après une longue attente.
Il se trouve depuis fin mai en Algérie où il a assisté dimanche à l'inauguration d'un buste à l’effigie de son père sur la place qui porte son nom au cœur de la capitale et qui fut l’épicentre du Hirak, le mouvement de contestation pro-démocratie qui a contraint à la démission l'ex-président Abdelaziz Bouteflika.
Dans un geste mémoriel, le président français Emmanuel Macron a reconnu en septembre 2018 «au nom de la République française», que le jeune mathématicien communiste Maurice Audin avait été «torturé à mort, ou torturé puis exécuté par l'armée française» en 1957.
Il avait aussi demandé «pardon» à Josette Audin, sa veuve. Pour Audin, cette reconnaissance n'a que trop tardé.
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«J'avais un mois et demi. J'ai 65 ans aujourd'hui. Et lorsque le président est venu chez ma mère j'avais déjà 61 ans et j'étais déjà à la retraite. Donc j'étais à peine né quand ça avait commencé et quand le pouvoir français a accepté de reconnaitre ce qu'il avait fait dans le cas de Maurice Audin, j'étais déjà à la retraite... il y avait une vie qui était passée quoi», souligne-t-il.
«C'est inexcusable»
En dépit de cette reconnaissance et d'autres gestes mémoriels symboliques du président Macron, la France exclut toute «repentance» ou «excuses» 60 ans après la fin de la guerre d'Algérie (1954-1962).
«Il y a un certains nombre de crimes, de méfaits qui ont été commis par la France contre l'Algérie et les Algériens. Ce qui est important, c'est de dire la vérité. Mais certainement pas de dire: je m'en lave les mains, j'ai demandé pardon. Il n'a y pas de pardon à avoir, c'est inexcusable», a déclaré Pierre Audin dans un entretien à l'AFP à Alger.
Il ne cache pas sa joie de retrouver son pays natal, où il se rend pour la première fois en tant qu'Algérien. «Quand je suis à Alger, la ville la plus belle du monde, je suis bien, je me sens bien. Je me sens chez moi», lance-t-il.
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«J'ai attendu assez longtemps pour avoir mon passeport. Je n'ai ressenti vraiment le besoin d'avoir cette preuve de ma nationalité qu'après la déclaration du président» Macron, ajoute-t-il
Il espère que sa nationalité algérienne l'aidera dans la recherche des restes, jamais retrouvés, de son père.
«Quelques jours avant le décès de ma mère, je lui ai promis de continuer à chercher les restes du corps (...) le fait d'être Algérien est de m'adresser aux autorités de mon pays avec mon passeport vert c'est quelque chose d'important», explique-t-il.
«La fine bouche»
«A partir du moment où il y a un doute je pense ça vaut le coup d'aller faire des fouilles aux divers endroits indiqués par différents témoins. C'est un début. Il faut que les gouvernements mettent la main dans la main» pour glaner des renseignements sur le sort des Algériens qui ont disparu durant la bataille d'Alger, ajoute-t-il.
Depuis 2018, Macron a également reconnu la responsabilité de l'armée française dans la mort de l'avocat nationaliste Ali Boumendjel durant la bataille d'Alger, une stèle a été érigée en France à la mémoire d'Abdelkader, héros national algérien de la lutte contre la colonisation française, et les cranes de résistants algériens du XIXe siècle restitués à l'Algérie.
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Et en décembre dernier, la France a ouvert ses archives sur la guerre d'Algérie pour «regarder la vérité en face».
En dépit de ces gestes, le dossier mémoriel reste une source de récurrentes tensions entre la France et l'Algérie, qui s'apprête à célébrer le 5 juillet le 60ème anniversaire de son indépendance après 132 ans de colonisation.
«Il y a beaucoup de pression dans tous les sens concernant la politique mémorielle» initiée par le président français, regrette Audin.
«Quand Macron fait une avancée dans le bon sens et qu'en face les Algériens font la fine bouche, Il n'y a pas de raison qu'il continue alors qu'il subit les pressions de la droite et de l'extrême droite», explique-t-il.