Le chef de l'Etat s'est déplacé au domicile de Josette Audin, 87 ans, pour lui remettre publiquement une déclaration reconnaissant que la disparition à 25 ans de Maurice Audin, père de trois enfants, avait été "rendue possible par un système dont les gouvernements successifs ont permis le développement".
Par ce document, le président "reconnaît, au nom de la République française, que Maurice Audin a été torturé puis exécuté, ou torturé à mort (...). Il reconnaît aussi que si sa mort est, en dernier ressort, le fait de quelques-uns, elle a néanmoins été rendue possible par un système légalement institué : le système +arrestation-détention+, mis en place à la faveur des pouvoirs spéciaux qui avaient été confiés par voie légale aux forces armées à cette période".
"C'est à moi de vous demander pardon", a dit le président à Mme Audin lorsquecelle-ci a voulu le remercier pour cette déclaration faite dans son appartement de Bagnolet (Seine-Saint-Denis).
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Emmanuel Macron, pour qui "la République ne saurait minimiser ni excuser les crimes et atrocités commis de part et d'autre" pendant la guerre d'Algérie(1954-1962), a également annoncé l'ouverture des archives sur le sujet des disparus civils et militaires, français et algériens.
Le 11 juin 1957, en pleine bataille d'Alger, Maurice Audin, un assistant de mathématiques à la faculté d'Alger et membre du Parti communiste algérien, suspecté d'aider le FLN, était arrêté, probablement par des parachutistes du général Jacques Massu. Sa trace se perd dix jours plus tard.
L'explication officielle donnée à sa disparition -"évasion au cours d'un transfert"-, n'a jamais convaincu ses proches, qui devront attendre jusqu'en 2013 l'ouverture des archives de l'affaire.
"Acte politique"
Dans "La vérité sur la mort de Maurice Audin" paru en janvier 2014, le journaliste Jean-Charles Deniau concluait que Maurice Audin avait été tué par un sous-officier français sur ordre du général Massu.
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Pour l'historien Patrick Garcia, le geste d'Emmanuel Macron s'inscrit dans la "continuité" d'un processus ouvert en 1998 avec la reconnaissance, par son prédécesseur Jacques Chirac, des massacres de Sétif en mai 1945. François Hollande avait, de son côté, reconnu la répression de la manifestation d'octobre 1961 à Paris, et mentionné plusieurs fois la torture dans un discours devant le Parlement algérien en 2012.
Mais "un seuil est passé avec la reconnaissance de la torture à travers le cas emblématique de Maurice Audin", relève l'historien : "Emmanuel Macron est au plus près des travaux des historiens qui ont établi les choses depuis bien longtemps."
Ce seuil, Josette Audin pensait qu'elle ne le verrait pas franchir de son vivant, a-t-elle confié à la presse qui attendait avec elle l'arrivée du chef de l'Etat.
Le geste présidentiel, accompli à la veille de l'ouverture de la Fête de l'Humanité, et le jour de l'annonce du plan pauvreté, a été immédiatement salué à gauche, et au premier chef par le parti communiste, qui plaide depuis des décennies aux côtés de la famille. Son chef Pierre Laurent y voit "une victoire historique de la vérité et de la justice", se réjouissant que tombe "un mensonge d'État qui durait depuis 61 ans".
Guerre des mémoires?
La décision historique d'Emmanuel Macron risque-t-elle de raviver la guerre des mémoires, comme l'avait fait sa déclaration en février 2017, lorsque le candidat à la présidentielle avait qualifié la colonisation de l'Algérie de "crime contre l'humanité"?
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"La France est grande quand elle affronte sereinement tout son passé", a estimé le député PS Boris Vallaud.
Mais pour le président du groupe LR au Sénat Bruno Retailleau, si "il ne faut jamais craindre la vérité, (...) il ne faut pas instrumentaliser l'histoire, ce qui est souvent un sport national français, pour se battre la coulpe à perpétuité."
"Macron commet un acte de division, en pensant flatter les communistes", s'est indignée pour sa part Marine Le Pen, la présidente du Rassemblement national (RN, ex FN), dont le père Jean-Marie, cofondateur du Front national, a déclaré en février qu'il aurait "sans doute" pratiqué la torture en Algérie si on le lui avait demandé.