Afrique: des emprunts à gogo pour financer des déficits budgétaires

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Le 19/02/2017 à 19h24

La baisse des recettes liées au pétrole et aux matières premières affectent les budgets de nombreux pays africains. Ces derniers empruntent pour financer leur déficits. Le gonflement des dettes publiques qui en résulte pourrait constituer un goulot d’étranglement pour quantité d'économies.

Avec la crise qui touche de nombreux pays africains, affectant particulièrement les ressources budgétaires et entraînant des déficits budgétaires abyssaux pour certains pays, le recours à l’endettement reste la solution privilégiée. Si certains recourent aux prêts du FMI pour faire ace aux déficits budgétaires, d’autres, moins enclins à suivre les conditions draconiennes qu’impose le FMI avant d’octroyer ses financements recourent aux marchés des capitaux et à l’endettement bilatéral, notamment de la part de la Chine.

Ainsi, les annonces de recours aux marchés des capitaux et aux prêts des institutions financières sont presque quotidiennes. La Tunisie vient ainsi de boucler sa sortie sur le marché international des capitaux en levant 850 millions d’euros alors qu’elle escomptait lever 1 milliard d’euros sur le marché pour une émission de 7 ans de maturité et offrant un rendement annuel de 5,75%. La conjoncture économique que traverse le pays fait que de nombreux investisseurs sont devenus méfiants quant à la capacité future du pays à faire face à ses engagements. Pourtant, le pays a annoncé un besoin de 3,71 milliards d’euros de dette en 2017.

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Pour sa part, le Nigeria qui vient de bénéficier d’un prêt de 7,5 milliards de dollars de la part de la Chine pour réaliser des projets d’infrastructures va lancer un eurobond de 1 milliard d’euros en mars prochain. Le pays fait face a une chute des recette pétrolières qui ont fait fondre ses réserves de change à 29 milliards de dollars à mi-février contre un pic de 64 milliards de dollars en août 2008.

Quant à l’Egypte, après un accord de prêt du FMI portant sur 12 milliards de dollars destinés à financer le déficit budgétaire, conditionné à la libéralisation des changes et la mise en place d’une série de réformes dont la réduction sensible des subventions sur les produits de base et les carburants, le pays des pharaons souhaite sortir sur le marché obligataire pour lever des fonds nécessaires pour faire face à son déficit budgétaire et à la chute de ses réserves en devises qui tournent autour de 26 milliards de dollars, en baisse de 10 milliards par rapport au niveau de 2011. Ainsi, le pays a-t-il annoncé un programme d’émission d’eurobonds de 6 milliards de dollars en 2017.

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Ces derniers jours, le Cameroun, le Congo, le Bénin et beaucoup d’autres pays ont annoncé des programmes d’émissions obligataires sur les marchés régionaux ou internationaux.

Or, si jusqu’à présent la dette des pays africains est globalement jugée soutenable, elle risque de devenir problématique au rythme des recours à l’endettement d’un certain nombre de pays. Si en 2015, le taux d’endettement moyen des pays d’Afrique subsaharienne avoisinait les 50%, avec ces emprunts à tour de bras, il faut s’attendre à ce que ce ratio connaisse une hausse significative et que le niveau de la dette devienne insoutenable pour de nombreux pays. C’est le cas notamment pour le Ghana dont la dette de 24 milliards de dollars (2015) représente plus de 71% du PIB du pays.

L’autre inquiétude résulte au fait que les dettes contractées par de nombreux pays ne servent qu’à faire face aux déficits budgétaires en servant au paiement des salaires et au remboursement des dettes et non à financer des investissements en infrastructures ou des projets productifs.

Partant, dans le contexte actuel qui conjugue des cours du pétrole bas et des cours des matières premières qui se relèvent modérément, il est fort probable que de nombreux pays soient obligés de mettre en place des solutions ressemblant à ces fameux programmes d’ajustement structurel avec des réformes visant à libéraliser davantage leurs économies comme celles qui ont été imposées par le FMI à l’Egypte avec la libéralisation des changes et la réduction des subventions, avec à la clé une flambée des prix et des tensions sociales.

Par Kofi Gabriel
Le 19/02/2017 à 19h24