Projets non-matures. Cette expression sonne comme un refrain, que les bailleurs de fonds du Cameroun chantent en chœur depuis des dizaines d’années pour justifier le fait que les prêts engagés soient si peu décaissés.
Dans sa dernière note de conjoncture économique, la Caisse autonome d’amortissement du Cameroun (CAA), gestionnaire de la dette publique nationale, révèle qu’actuellement, une enveloppe de financements extérieurs, estimée à 4.906,6 milliards de Francs CFA, soit près de 10 milliards de dollars, est en souffrance dans les caisses des bailleurs de fonds.
Alors que les décaissements des prêts sont faibles, le pays poursuit son endettement, évalué désormais à 30% du PIB, en deçà du ratio de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) qui est de 70%. Sauf que les projets à réaliser tardent à voir le jour.
Le problème, selon la CAA, tient effectivement à la non-maturation des projets destinés à être financés par ces emprunts. Mais aussi à la non-maîtrise par les officiels camerounais des procédures de décaissement qui sont nombreuses et varient d’un bailleur à un autre.
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Chez la plupart des bailleurs, les intérêts auxquels sont assujettis les emprunts courent depuis plusieurs années déjà.
Au final, la non-consommation du crédit dont il dispose par le Cameroun fait qu’au final, les prêts lui reviennent plus chers. Sans oublier que lorsque les bailleurs de fonds prêtent de l’argent, si rien n’a été fait à échéance du prêt, ils peuvent l'annuler, alors que le pays a payé des intérêts.
Selon Dieudonné Evou Mekou, ex-directeur général de la CAA, aujourd’hui vice-gouverneur de la Banque des États de l'Afrique Centrale, «le retard dans les décaissements peut également induire des défauts dans la croissance attendue. Quand on apprécie un projet d’autoroute par exemple, on considère qu’il y a du ciment à consommer, du sable, des salaires à payer, les impôts, etc. Et normalement, dans les prévisions de croissance, on estime qu’un tel chantier peut induire un tel nombre de points de croissance. Mais quand ledit chantier ne se réalise pas ou tarde à se faire, cela impacte les calculs qui ont été faits au préalable, ramenant ainsi le taux de croissance à la baisse».
Pour remédier à ces retards de décaissements, depuis cinq ans environ, la CAA suit minutieusement l’indicateur des soldes et tire régulièrement la sonnette d’alarme quand les montants non-décaissés gonflent. Et si les réformes engagées permettent d’améliorer les choses, la situation reste regrettable pour le Cameroun. Mais ici, les économistes estiment que les bailleurs de fonds sont complaisants ou complices, eux qui accordent des prêts à des projets non-matures et encaissent des intérêts sur des fonds qui restent dans leurs caisses.
Mais certains, à l’instar de la Banque mondiale, engagent également des réformes pour booster le décaissement des fonds d’emprunts. Elle finance les procédures de maturation de projets, comme la mise à disposition des sites et l’indemnisation des occupants des emprises. Résultat des courses, le taux des décaissements des emprunts de la BM est passé de 7,5% en 2015 à 23% en 2016. Du côté de la Banque islamique de développement (BID), la situation est encore très préoccupante. Le taux global des décaissements des fonds mis à disposition du Cameroun tourne autour de 4%, pour un portefeuille actif d’environ 555 milliards de Francs CFA.