Cette fois, ses réseaux françafricains pourront-ils le tirer d'affaire? C'est la question que beaucoup d'Africains se sont sans doute posée en apprenant le placement en garde à vue à Nanterre (près de Paris) de Vincent Bolloré dans l'affaire des ports de Conakry et de Lomé. En effet, ce n'est pas la première fois que le président du groupe éponyme est cité dans des transactions manquant de transparence ou à propos de marchés obtenus en usant de méthodes douteuses, quand il n'est pas épinglé pour une gestion calamiteuse de concessions de services publics. Vincent Bolloré s'en est presque toujours tiré, "faute de preuves", selon son entourage, "en actionnant ses leviers de la Françafrique", selon ses détracteurs.
Mais cette fois, s'il est mis en garde à vue, c'est que la perquisition menée il y a deux ans à son siège a fourni des éléments qui vont au-delà de simples soupçons. En effet, selon le quotidien français Le Monde, Vincent Bolloré est placé en garde vue suite à l'ouverture d'une information judiciaire pour "corruption d'agents publics étrangers". Sont concernés deux des seize terminaux à conteneurs dont il est l'opérateur, à savoir celui de Lomé au Togo et celui de Conakry en Guinée.
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Pour que ses agissements n'éveillent pas les soupçons, l'homme d'affaires aurait une méthode infaillible. Sa filiale en communication, Havas, véritable machine à élire des chefs d'Etat, aurait sous-facturé les prestations pour les communications de campagne de candidats africains à la présidence. Cela aurait été le cas au Togo avec l'élection de Faure Gnassingbé et en Guinée avec Alpha Condé. Le but étant in fine d'obtenir, une fois le candidat élu, des marchés publics, en particulier les juteux terminaux à conteneurs dans les ports.
Bolloré n'est pas le seul à être inquiété dans cette affaire, puisque plusieurs de ses collaborateurs sont également placés en garde à vue, notamment Gilles Alix, directeur général du groupe Bolloré et Jean-Philippe Dorent, responsable du pôle international de l’agence de communication Havas.
C'est aussi le cas de Francis Perez, patron de Pefaco, un groupe hôtelier aux pratiques non moins douteuses. Des centaines de milliers d'euros ont été versées par Perez à Dorent qui avait en charge la communication de Condé et Gnassingbé en 2010. Officiellement, il s'agissait d'un prêt pour acheter une maison. Mais s'il est mis en garde à vue, c'est que les enquêteurs en doutent un peu.
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Ce n'est pas la première fois que Bolloré est cité dans des affaires de corruption ou de gestion douteuse de concession de services publics.
Il y a tout juste un an en Mauritanie, selon la presse locale, le président Mohamed Ould Abdel Aziz himself avait ébruité une histoire de tentative de corruption au sujet du terminal à conteneur du port de Nouakchott. Au cours d'une rencontre avec les sénateurs de sa formation politique, Ould Abdel Aziz a affirmé qu'un cadre du groupe Bolloré était venu lui proposer 10 millions de dollars pour la gestion du terminal à conteneurs. L'information a été rapportée par plusieurs sites, notamment L'authentique.
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Au Cameroun, l'accident d'Eseka qui avait fait près de 80 morts est encore frais dans les mémoires. L'enquête avait révélé que la filiale du groupe Bolloré n'entretenait pas le système de freinage, au mépris de la sécurité des passagers.
L'exploitation de ses plantations d'huile de palme était également sujette à caution. Une enquête de la chaîne de télévision France 2 avait montré que la filiale locale faisait travailler certains collaborateurs dans des conditions proches de l'esclavage. Deux employés âgés seulement de 14 et 16 ans affirmaient être payés 1 euro par jour. Bolloré avait alors répliqué par une plainte, en invoquant un "reportage bidonné".
Il faut dire que dans l'affaire du port de Conakry, Bolloré a déjà été condamné à payer 2,1 millions d'euros à Necotrans. En effet, c'est ce dernier qui avait remporté le marché d'exploitation, mais en 2011, l'Etat guinéen avait rompu le contrat de concession pour faire place à Bolloré.