Si les pays africains, notamment ceux du Golfe de Guinée, ont déjà globalement connu une année 2019 très difficile, avec une baisse de la production, la crise du coronavirus vient déstabiliser encore un peu plus une situation déjà particulièrement fragile, par un secteur pétrolier localement en crise depuis plusieurs années, écrit Binjamin Augé dans une tribune intitulée "Coronavirus : un nouveau désastre à prévoir pour les pays pétroliers du golfe de Guinée".
En effet, explique ce chercheur associé aux centres Afrique et Energie de l'Institut français des relations internationales (Ifri), la rapide baisse des cours va mettre à nouveau à rude épreuve des systèmes qui ne parviennent pas à se réinventer et à se diversifier afin de se prémunir des travers souvent constatés au sein des Etats rentiers.
Le pays de la zone Golfe de Guinée le plus inquiétant dans cette séquence de coronavirus est le Nigéria, plus importante économie d’Afrique subsaharienne (397 milliards de dollars de PIB sur un total de 1,71 trillion de dollars pour le continent), sa santé a de graves répercussions sur ses voisins en cas de récession, précise la publication du PCNS, qui met en avant la situation "déjà préoccupante" que connait le pays depuis la fermeture, en août 2019, de ses frontières avec le Bénin et le Niger.
Lire aussi : Afrique centrale. Coronavirus: Voici le plan de riposte économique de la CEMAC
Du fait de la baisse des recettes pétrolières, le Nigeria connaît depuis 2014 une alternance d’années de récession (-1,6% en 2016) avec d’autres de croissance faible (en 2017,2018 et 2019), précise l'auteur, qui n'exclut pas une année difficile pour le pays étant donné que son budget 2020 a été établi sur la base d’un baril à 57 dollars et que le pétrole compte pour une part très significative des revenus de l’Etat (autour de 65%).
De son côté, le Cameroun (38 milliards de dollars de PIB), qui dépend peu de la manne pétrolière avec une production de 71.000 barils par jour en 2019, est le cas le plus résistant du golfe de Guinée à la baisse des cours du pétrole depuis 2014, poursuit M.Augé, donnant un aperçu des défis à relever pour plusieurs Etats pétroliers en Afrique.
A titre d'exemple, indique le PNCS, la Guinée équatoriale est, de loin, le pays le plus touché par la crise des cours du pétrole, débutée en 2014, en ce sens que cet Etat s’est enkysté dans une spirale ininterrompue de récession, une décroissance de 5,9% en 2019, de 6,1% en 2018, de 4,6% en 2017, de 8,8% en 2016 et de 9,1% en 2015.
Le Gabon, poursuit la même source, a été touché récemment par le même effet de ciseaux que la Guinée équatoriale: baisse des cours depuis 2014, couplée à une production en berne, en dessous de 200.000 barils par jour, pour la première fois depuis trente ans en 2018.
Lire aussi : Pétrole: le cauchemar algérien se poursuit
Quant au Congo, il a sombré depuis 2014, ayant multiplié les expédients pour obtenir de l’argent frais et immédiat. Il a ainsi fait le choix de gager une grande partie de ses futurs cargos pétroliers de la SNPC (société d’Etat) à des traders comme Trafigura contre des préfinancements, relève l'auteur.
Pour ce qui est de l’Angola, c’est un pays qui a des similarités avec la Guinée équatoriale et le Gabon (baisse de la production et des prix) conduisant à sa récession ininterrompue depuis lors : -0,1% en 2019, -2,1% en 2018, -0,1% en 2017 et -2,5% en 2016, estime M.Augé, ajoutant que l’économie angolaise, laquelle repose quasi exclusivement sur l’exportation de pétrole et de gaz, devrait encore subir la récession en 2020, avec l’impact du coronavirus sur les prix du baril.
"Outre l'impact économique, ce sont également les potentielles difficultés d'ordres sécuritaire et politique que la crise du coronavirus risque de largement favoriser", conclut le chercheur.
Le Policy Center for the New South (PCNS) est un think tank marocain dont la mission est de contribuer à l'amélioration des politiques publiques, aussi bien économiques que sociales et internationales, qui concernent le Maroc et l’Afrique, parties intégrantes du Sud global.