La Chine annulera 23 prêts sans intérêts contractés par 17 pays africains et qui étaient arrivés à échéance à la fin de l’année 2021. Cette annonce a été faite par le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, dans un discours prononcé par visioconférence lors d’une réunion des coordinateurs sur le suivi de la mise en œuvre des décisions de la 8e Conférence ministérielle du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC 8), organisée le 18 août dernier à Dakar.
Si le responsable chinois n’a pas donné de précision sur les montants ni sur les pays concernés, l’on sait que le Togo en fait partie. Suite à l’annonce de Yi, le ministre des Affaires étrangères du pays ouest-africain, Robert Dussey, a en effet déclaré sur Twitter: «Je remercie M. Wu Peng, DG Afrique et SG du comité de suivi du FOCAC pour l’annulation de 16 millions de Yuans Renmimbi, soit 1,5 milliard de francs CFA, de dettes de prêts sans intérêts arrivées à échéance en 2021».
L’annulation de ces dettes est une véritable bouffée d’air pour les pays concernés. Sur les réseaux sociaux, les avis positifs ne manquent pas à l’endroit de Pékin, la félicitant pour son «geste» ou profitant de cette annonce pour rappeler que l’Afrique doit sa misère économique et sociale à la France et, au-delà, l'Occident. «Si nous devons nous méfier d’un pays, on sait lequel c’est», ajoute-t-on. Un internaute affirme par ailleurs que «la Chine et la Russie seront toujours bienvenues chez nous si c'est pour mettre la France et les USA sur le banc».
Lire aussi : Former et formater les dirigeants des partis au pouvoir, comment Pékin prépare l'Afrique de demain
Mais loin de nous réjouir trop vite de cet «acte de générosité» de Pékin, ce qui est normal, nous devrions y voir également des raisons de nous inquiéter. L’une d’elles se trouve dans l’annonce de Wang Yi: les dettes étaient arrivées à échéance à la fin de 2021. En d’autres termes, les pays concernés ont contracté des dettes, en plus sans intérêts, qu’ils ont été incapables de rembourser sur le délai qui leur était imparti.
Pourquoi donc s’endetter si on n’est pas capables d’honorer nos engagements? A cette allure, peut-on imaginer espérer pouvoir parler un jour d’égal à égal avec le reste du monde? Quand allons-nous, pays africains, notamment subsahariens, quitter notre position d’éternels assistés? Au-delà du soulagement, il faudrait donc prendre l'annonce de Pékin comme une leçon et nous mettre sérieusement au travail et repenser nos objectifs et méthodes de développement. Et puis, une annulation de dettes est-elle gratuite? La question reste posée.
Les prêts de la Chine aux pays africains depuis 2000 sont estimés à 150 milliards de dollars. Ajoutez à cela le fait que l’empire du Milieu est le premier créancier de huit pays du continent: Djibouti (55% de la dette du pays), République du Congo (42%), Angola (34%), Guinée (32%), Comores (31%), Cameroun (29%), Zambie (25%) et, bien sûr, Togo (24%). A la vue du montant de celui de Lomé, on voit donc difficilement les 23 prêts annulés par la Chine représenter une part significative du total des dettes que les pays africains ont contractées auprès de leur premier créancier bilatéral.
Lire aussi : La Chine ne piège pas l'Afrique dans la dette, affirme son ministre des Affaires étrangères
Et il n’y pas que la Chine. Une étude publiée en juin dernier a conclu que les créanciers privés occidentaux sont le principal moteur de l’accumulation des stocks de dettes sur le continent depuis 2004, rappelle l’agence Ecofin. Pourtant, on sait très bien que quel que soit le créancier, une dette constitue un moyen de pression sur celui qui la contracte.
Sachant cela, la montée en puissance de la Chine en Afrique au cours des dernières années est loin d’être une surprise. Et Pékin est même sortie de sa zone de confort qu’est l’économie pour s’attaquer désormais à la (géo)politique. On pense notamment à la Mwalimu Julius Nyerere Leadership School en Tanzanie, une école qui forme les futurs leaders des partis au pouvoir de 6 pays africains, financée par la Chine à hauteur de 40 millions de dollars, ou encore l’organisation par le géant asiatique à Addis-Abeba d’une conférence de paix pour la Corne de l'Afrique.