C’est le jeudi 6 avril que les Gambiens vont élire le premier Parlement post-Yahya Jammeh, l’homme qui a dirigé le pays d’une main de fer pendant 22 ans. C’est dire l’importance de cet événement dans le processus démocratique du pays. Une élection un peu tendue avec les risques d’explosion de l’ancienne opposition au pouvoir actuellement. En tout cas, une chose est sûre, le prochain Parlement ne sera plus dominé par un seul parti et ne sera plus par conséquent une caisse de résonance du gouvernement.
En attendant, le président Adama Barow, rentré le 26 janvier dernier à Banjul après le départ de l’ex-président Yahya Jammeh en exil en Guinée équatoriale, poursuit sa politique de «Déjammehisation». En un peu de temps, il a pris de nombreuses initiatives.
Il a commencé par renoncer au départ annoncé de la Gambie de la Cour pénale internationale (CPI) en laquelle l’ancien président voyait un instrument de «persécution envers les Africains, surtout envers leurs dirigeants. De même, il a aussi souligné sa volonté de réintégrer le Commonwealth et a annoncé que l’anglais est redevenu la langue officielle du pays.
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En outre, et pour relancer les relations diplomatiques avec le voisin sénégalais, Barrow a souligné son accord pour la construction d’un pont à Farafégné sur le fleuve Gambie. Ce pont d’une longueur de 942 km va faciliter la circulation des hommes et des marchandises entre le nord et le sud du Sénégal que sépare le territoire gambien, lui-même traversé par le fleuve Gambie. Cette infrastructure est nécessaire pour le développement de la Casamance, région sud du Sénégal.
Outre ces annonces, Barrow a pris des mesures courageuses, mais nécessaires pour solder les 22 ans du régime de Jammeh. C’est ainsi qu’il a limogé le général Ousmane Badjie, Chef d’Etat-major de l’armée gambienne, ainsi que d’autres officiers supérieurs dont le commandant du camp de Kanilaï, village natal de l’ancien homme fort de Banjul.
Mieux, le chef du renseignement de l’ex-président Yahya Jammeh est emprisonné. Le chef de la redoutable National Intelligence Agency (NIA), Yankuba Badgie, et l’ancien directeur des opérations de ladite agence, Sheikh Omar Jeng, sont accusés par des ONG des droits de l’Homme d'être responsables de tortures, de disparitions et d’assassinats d’opposants au régime de Jammeh. Les services du NIA, services secrets gambiens, sont notamment accusés de la mort de l’opposant Solo Sendeng.
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La redoutable NIA a été rebaptisée Services d’intelligence d’Etat (SIS) par le nouveau président. En plus, la nouvelle structure n’est plus mandatée pour arrêter, détenir ou mener des enquêtes judiciaires, elle se charge désormais de traiter des affaires de renseignement d’Etat.
Reste que si jusqu’à présent le parcours d’Adama Barrow est sans faute, il doit tout de même s’attaquer à des questions plus urgentes, car touchant le quotidien des Gambiens. Il s’agit notamment de faire face au chômage des jeunes et à la pauvreté de la population sachant que 60% de la population gambienne vit en dessous du seuil de pauvreté avec un taux d’analphabétisme de 50%.
Face à cette situation, Adama Barrow compte mettre en place une agence pour un développement socio-économique durable, un comité d’experts chargé de faire une analyse de l’économie gambienne et de proposer une feuille de route triennale 2017-2020. L’objectif est de restructurer et de diversifier l’économie du pays ruiné par les 22 ans de pouvoir absolu de Jammeh.
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En attendant, il faut rassurer les investisseurs, notamment les multinationales qui ont boudé le pays depuis des années à cause de l’ancien régime qui n’inspirait pas confiance. Idem pour les institutions internationales (Fonds monétaire international, Banque mondiale, Banque africaine de développement, etc.) dont les apports sont indispensables pour la relance de l’économie gambienne.
Outre l’économie, Barrow doit aussi gérer l’épineuse équation Jammeh. Faut-il le poursuivre devant la CPI ou les tribunaux gambiens ou bien le laisser tranquillement dans son exil en Guinée équatoriale? Cette question divise les partisans de l’ancien régime et les familles des victimes de Jammeh et ses hommes.
Sur ces deux questions, Barrow doit aller vite, très vite même quand on sait qu’il a décidé de ne rester au pouvoir que trois ans pour organiser une nouvelle élection présidentielle à laquelle il ne prendra pas part.