Maurice-Grande-Bretagne: Chagos, journée cruciale à la CIJ pour l’une des dernières colonies en Afrique

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Le 03/09/2018 à 14h07, mis à jour le 03/09/2018 à 14h11

C’est ce 3 septembre 2018 que s’ouvre à la Cour internationale de justice le procès de l'archipel des Chagos, une des dernières colonies africaines sous domination occidentale. Un an après le vote historique à l’ONU, Maurice tentera un succès à la CIJ face à la Grande-Bretagne et aux Etats-Unis.

L’archipel des Chagos dans l’océan indien est l’une des dernières colonies africaines entre les mains d’une puissance occidentale. Toutefois, le cours de l’histoire pourrait évoluer avec l’ouverture aujourd’hui des premières audiences sur l’archipel des Chagos à la Cour Internationale de Justice (CIJ).

Pour cette première journée –les audiences dureront 4 jours-, c’est Sir Anerood Jugnauth, ancien président mauricien, le seul survivant témoin des négociations portant sur l’indépendance de Maurice en 1965 à Londres qui sera à la barre. Il reviendra sur le chantage fait par Londres à cette poque à la délégation mauricienne pour conserver l’archipel des Chagos. En effet, selon ce témoin, Londres avait demandé à la délégation mauricienne de faire le choix entre l’indépendance sans Chagos et la poursuite de la colonisation. Face à ce choix cornélien, les Mauriciens ont bien évidemment opté pour l’indépendance sans Chagos. Bref, pour Maurice, le découpage territorial a été effectué «sous la contrainte».

Conséquence, 53 ans après son indépendance, Maurice est en quête de sa décolonisation totale. «Plus de cinquante ans après l’indépendance, le processus de décolonisation de Maurice reste incomplet», a déclaré Anerood Jugnauth.

Cette session est la conséquence de la résolution adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU en juin 2017. En effet, lors de cette assemblée, le texte présenté par Maurice et soutenu par les pays africains, demandait à la CIJ de donner son avis sur ce litige. Lors du vote à l’ONU, 94 Etats ont soutenu la demande de Maurice, contre 15 pour la Grande-Bretagne et 65 abstention.

C’est cette victoire éclatante que Maurice cherche aujourd’hui à transformer par la voie juridique en sollicitant un avis consultatif de la Cour international de justice. Les 15 juges de l’organe judiciaire principal des Nations Unies vont analyser les arguments sur «les conséquences légales de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice».

Outre Maurice et le Royaume-Uni, l’Union africaine et une vingtaine d’autres pays prendront part à cette session dont plusieurs pays d’Asie et d’Amérique Latine. Les juges émettront un «avis consultatif» dans un délai qui peut prendre des mois, voire des années.

Le litige entre les deux pays est compliqué par le fait que l’archipel abrite l’imposante base navale américaine de Diego Garcia. Une année après l’indépendance de Maurice, le Royaume-Uni signe un bail de 50 ans avec les Etats-Unis permettant à ces derniers d’utiliser Diego Garcia à des fins militaires.

Il s’ensuit des expulsions des 2.000 habitants des Chagos vers Maurice, Seychelles et ailleurs. En 2007, une cour d’appel britannique autorise le retour des Chagossiens, estimés à 10.000 actuellement, sur leurs terres. Toutefois, cette décision a été annulée par la Chambre des Lords britannique l’année suivantes. Mieux, les Britanniques ont tenté de transformer les iles de l’archipel en parc afin de les rendre inhabitable. Toutefois, cette proposition a été rejetée par les Nations Unies.

Enfin, et afin d’éviter l’opposition catégorique des Etats-Unis au rattachement de l’archipel à Maurice, les autorités mauriciennes n’envisagent pas le départ des Américains, mais souhaitent que leur souveraineté sur l’archipel soit simplement reconnue.

Par Moussa Diop
Le 03/09/2018 à 14h07, mis à jour le 03/09/2018 à 14h11