Après recensement de 84% des bureaux de vote, l'ancien chef de l'Etat Andry Rajoelina (2009-2014) obtient 39,61% des suffrages et son prédécesseur (2002-2009) Marc Ravalomanana 35,15%, a annoncé Commission électorale nationale indépendante (Céni).
Le sortant Hery Rajaonarimampianina est relégué loin derrière en troisième position avec 8,31% des voix.
Pour l'emporter dès le premier tour, un candidat doit obtenir au moins 50% des suffrages. Le second tour est prévu le 19 décembre.
"Au vu des résultats de la Céni, le deuxième tour est inévitable maintenant" entre Rajoelina et Marc Ravalomanana, a estimé l'analyste politique Mahery Lanto Manandafy à l'AFP.
A moins que l'un d'entre eux ou les deux ne "portent plainte devant la Haute Cour constitutionnelle (HCC)", la plus haute instance judiciaire du pays, a tempéré son collègue Toavina Ralambomahay.
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Car depuis le premier tour du scrutin le 7 novembre, qui s'est déroulé dans le calme, les candidats ont presque unanimement critiqué le travail de la commission électorale et les résultats qu'elle publie au compte-gouttes.
Mercredi encore, des députés et sénateurs du parti d’Andry Rajoelina, le Mapar, ont soulevé des "anomalies".
Un miracle
"Le candidat Andry Rajoelina est en tête dans les chefs-lieux de province selon notre décompte, mais paradoxalement, plus ces résultats arrivent à la Céni, plus son score s’effrite", a fait remarquer le député Roberto Tinoka, dans une conférence de presse au quartier général de son champion à Antananarivo.
"C'est un miracle", a-t-il lancé sur le ton de l'ironie, ajoutant que le Mapar avait prévu de déposer plainte auprès de la HCC.
Du côté de Marc Ravalomanana, on dénonce "la circulation d’argent pour la Céni, la radio et télévision nationales" en vue de modifier les résultats.
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Ce climat de suspicion laisse planer l'inquiétude sur la suite du processus électoral dans un pays familier des crises politiques.
En 2001, Marc Ravalomanana avait proclamé sa victoire dès le premier tour de la présidentielle, provoquant une crise de sept mois qui s'était soldée par la mort d'une centaine de personnes. Il avait finalement pris le pouvoir sans que soit organisé un second tour.
La Céni se défend de toute irrégularité. Mercredi, elle a organisé une conférence de presse pour détailler son travail de compilation, afin de tenter de dissiper les suspicions.
"Tous les résultats qu’on a publiés sont vérifiables, on peut revoir les procès-verbaux et même on peut revoir les bulletins de vote s’il le faut", a expliqué son vice-président, Thierry Rakotonarivo.
"J’invite donc les candidats à réunir leur preuve, leurs témoins et à aller déposer une plainte au niveau de la HCC", a-t-il dit à l'AFP.
Dépenses faramineuses
Le second tour devrait voir s'affronter les deux principaux protagonistes de la crise de 2009, qui ont dû attendre 2018 pour régler leurs comptes dans les urnes.
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En 2009, Marc Ravalomanana avait été contraint de démissionner sous la pression de l'armée, qui avait confié la direction du pays à l'opposant Andry Rajoelina.
Les deux hommes s'étaient ensuite vu interdire de participer à la présidentielle de 2013, remportée par Hery Rajaonarimampianina.
"Tout le monde espère être élu au premier tour car une élection au deuxième tour va encore entraîner des dépenses faramineuses", a expliqué jeudi Tohavina Ralambomahay.
Dans un pays extrêmement pauvre, la campagne a donné lieu à une débauche de moyens de la part de Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina, deux richissimes hommes d'affaires.
Ils se sont déplacés en hélicoptère, ont distribué à foison des tee-shirts et organisé des meetings à grand spectacle avec artistes et parfois même - pour Andry Rajoelina - feux d'artifice.
Mercredi, le Premier ministre Christian Ntsay a convoqué le président de la Céni, Hery Rakotamanana, pour faire le point sur le décompte en cours.
Le chef de l'Etat par intérim, Rivo Rakotovao, a assuré le même jour aux membres de son gouvernement, où sont représentés les partis des trois candidats en tête du premier tour que "l’Etat va prendre ses responsabilités pour éviter au pays de s’engouffrer dans une éventuelle nouvelle crise".