L’homme fort de l’Est libyen, a ainsi ordonné à ses forces de prendre pour cible les navires et intérêts turcs, d’interdire les vols depuis et vers la Turquie et d’arrêter les ressortissants turcs en Libye, a annoncé vendredi soir son porte-parole Ahmad al-Mesmari.
Les troupes du maréchal Haftar, lancées depuis près de trois mois à la conquête de Tripoli, accusent la Turquie de soutenir leurs rivaux loyaux au GNA, reconnu par la communauté internationale et basé dans la capitale libyenne.
Le général Mesmari a accusé Ankara d’intervenir “dans la bataille de façon directe: avec ses soldats, ses avions et ses navires par la mer”. Selon lui, des approvisionnements en armes et munitions arrivent directement aux forces du GNA via la Méditerranée.
La Turquie soutient de moins en moins discrètement les forces du GNA, malgré un embargo sur les armes imposé par l’ONU à la Libye depuis la révolte de 2011 qui a renversé le régime de Mouammar Kadhafi.
“Réponse dure”
Le président turc Recep Tayyip Erdogan avait confirmé récemment que son pays fournissait des armes au GNA aux termes d’un “accord de coopération militaire” entre Ankara et Tripoli.
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Le 19 juin, Erdogan a estimé que le soutien militaire turc avait permis à Tripoli de “rééquilibrer” la situation faces aux forces de Khalifa Haftar, soutenues par les Emirats arabes unis et l’Egypte.
Les menaces du maréchal vis à vis de la Turquie interviennent au lendemain de la reprise par les forces pro-GNA de la ville de Gharyan, dont il avait fait son centre d’opérations et d’où il était parti le 4 avril à la conquête de la capitale, à plus de 1.000 km de son bastion de Benghazi (est).
Après une progression rapide depuis l’est et le sud du pays, le maréchal Haftar s‘était emparé de Gharyan le 2 avril, avant de lancer deux jours plus tard son offensive contre Tripoli.
Mais ses forces piétinent aux portes de la capitale, bloquées par les troupes du GNA. Jusqu‘à la chute de Gharyan cette semaine, les lignes de front avaient peu bougé sur le terrain.
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Le maréchal Haftar a promis samedi “une réponse dure”. Il a notamment accusé ses rivaux d’avoir liquidé ses soldats blessés dans l’hôpital de la ville, ce qui a été démenti par des responsables locaux et le GNA.
Depuis la perte de Gharyan, les forces du maréchal Haftar ont mené plusieurs raids aériens sur cette ville située à une centaine de km au sud-ouest de Tripoli.
De leur côté, les forces du GNA, qui cherchent à couper les voies de ravitaillement des pro-Haftar, ont mené vendredi une offensive à Esbiaa, à une quarantaine de km au sud de Tripoli, proclamant une percée.
Mais M. Mesmari a indiqué que l’attaque a été repoussée, faisant état d’une “bataille très violente”.
Il a accusé la Turquie d’avoir aidé les forces du GNA à s’emparer de Gharyan en leur fournissant notamment une couverture aérienne.
“Cibles légitimes”
Des “ordres ont été donnés aux forces aériennes pour prendre pour cible les navires et embarcations turcs dans les eaux territoriales libyennes”, a déclaré vendredi soir le porte-parole du maréchal Haftar qui lisait un communiqué.
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“Les sites stratégiques turcs, les compagnies et les projets appartenant à l’Etat turc (en Libye) sont considérés comme des cibles légitimes”.
“Tout ressortissant turc sur le territoire libyen sera arrêté” et “tous les vols depuis et vers la Turquie seront interdits”, a-t-il ajouté.
Seules les compagnies libyennes assurent les liaisons avec la Turquie depuis les aéroports de Benghazi (est), mais aussi ceux de Tripoli et Misrata dans l’ouest.
Mesmari n’a pas expliqué toutefois comment l’interdiction des vols pourrait s’appliquer dans l’ouest, région que les forces pro-Haftar ne contrôlent pas.
Les deux camps s’accusent mutuellement de recourir à des mercenaires étrangers et de bénéficier d’un soutien militaire de l‘étranger.
La Turquie entretient avec le GNA de bonnes relations notamment commerciales. Elle est l’un des rares pays à avoir rouvert son ambassade à Tripoli depuis la fermeture des représentations diplomatiques en 2014 en raison des violences.