Vidéos. Zimbabwe: les deux dernières années de Mugabe, ou la lente fin d'un desposte

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Le 11/09/2019 à 13h10, mis à jour le 11/09/2019 à 14h35

VidéoJusqu'à son dernier souffle, il a refusé de faire le deuil du pouvoir. Poussé vers la sortie par l'armée il y a deux ans, l'ex-président et maître absolu du Zimbabwe Robert Mugabe est mort, selon le dernier carré de ses fidèles, en vieillard solitaire, amer et revanchard.

Même au crépuscule de sa vie, le "camarade Bob" se voyait volontiers fêter son centenaire dans les habits de chef de l'Etat.

Mais en novembre 2017, une poignée de généraux qu'il pensait à sa botte a décidé de mettre un point final à son règne sans partage de trente-sept ans sur le pays. Le vieil homme a bien résisté quelques jours, il a fini par capituler et présenter sa démission.

Pour les proches qui l'ont accompagné jusqu'à la mort, à l'âge de 95 ans, vendredi dans un hôpital de Singapour, Robert Mugabe n'a jamais accepté d'avoir été ainsi "trahi" par son armée, son parti et son peuple.

"Il refusait d'accepter que ceux en qui il avait le plus confiance, ceux qui dépendaient le plus de lui, aient pu se retourner comme ça contre lui", se souvient un de ses neveux, Leo Mugabe.

"Je crois qu'il ne s'en est jamais remis, ça l'a rongé jusqu'à ce que Dieu lui accorde le repos", poursuit-il. "Quelqu'un qui se levait tous les matins à 4h00, faisait de l'exercice, allait travailler et devait garder l'oeil sur tout un pays... Et soudain, tout ça s'arrête d'un seul coup. Vous imaginez bien que ça l'a affecté".

Le neveu va plus loin. La chute politique de Robert Mugabe a précipité sa mort. "La vitesse à laquelle son état de santé s'est détérioré après le coup d'Etat est tout juste incroyable."

Collaborateur du défunt président juste après l'indépendance de la Rhodésie devenue Zimbabwe en 1980, Ibbo Mandaza pense, lui, que sa fin était en germe depuis longtemps.

"Mugabe était extrêmement vulnérable pendant ses dernières années au pouvoir (...) les dés étaient déjà jetés", juge l'ancien haut fonctionnaire reconverti aujourd'hui en analyste politique.

Jonathan Moyo est un autre fidèle. Ancien ministre de l'Education et de l'Information, il a rejoint Robert Mugabe dans sa propriété du "Toit bleu", où les militaires l'avaient placé en résidence surveillée juste après avoir lancé leurs chars dans les rues d'Harare.

Il dit avoir vu le vieil homme changer pendant que les généraux décidaient de son sort. "Il est alors devenu inhabituellement introverti", rapporte ce fidèle. "Il s'est retiré du monde. Il était enfermé dans ses pensées et à l'évidence perdu".

"Son âme s'est irrémédiablement brisée", poursuit Jonathan Moyo, "son monde s'est écroulé devant lui, l'a laissé désarmé et précipité dans une chute totalement inattendue".

Le prêtre Fidelis Mukonori, lui aussi, a été le témoin privilégié des jours de novembre 2017 où le destin du Zimbabwe a basculé.

Ce jésuite, un proche de l'ex-président habitué des médiations politiques depuis la guerre d'indépendance, jouait une nouvelle fois les intermédiaires entre Robert Mugabe et l'état-major.

Lorsqu'il a finalement présenté sa démission, menacé par une infamante motion de défiance présentée par les députés de son propre parti, l'ex-président est était "soulagé", se souvient-il. "Il avait un beau sourire, il avait l'air calme, reposé, relaxé".

Le faire renoncer de lui-même au pouvoir "n'a pas été une promenade de santé", s'empresse de préciser le père Fidelis, mais "il était de l'intérêt national qu'il décide de se retirer".

A en croire un autre prélat, ce soulagement n'a guère duré.

Vicaire général de l'archidiocèse de Harare, Kennedy Muguti a très souvent célébré des messes au domicile des Mugabe. Lui aussi assure que le nonagénaire est resté "déçu et amer" après sa chute.

"J'ai célébré la dernière messe à laquelle il a assisté avant de partir pour Singapour", rapporte Kennedy Muguti, "il avait gardé la foi malgré sa déception (...) mais oui, c'était un homme désabusé, il était frustré, il était en colère".

Cette rage était patente lors de sa toute dernière conférence à Harare.

Dans une ultime provocation, il avait donné rendez-vous à toute la presse internationale à la veille de l'élection présidentielle de juillet 2018, promise à celui que les généraux avaient installé huis mois plus tôt dans son fauteuil, Emmerson Mnangagwa.

Calé dans son fauteuil par des coussins, il avait alors joué devant son public avec la possibilité de voter pour... l'opposition.

"Je ne peux pas voter pour la Zanu-PF", son parti de toujours qui l'avait exclu de sa présidence, "qu'est-ce qui me reste ?", avait-il minaudé. "Juste (Nelson) Chamisa", le chef du Mouvement pour un changement démocratique (MDC).

Un haut-responsable gouvernemental a plus tard assuré au journal d'Etat Sunday Mail qu'il n'en avait rien fait.

Mais l'ex-directeur général de la présidence Isaac Moyo, un proche de la famille Mugabe, a confié que l'ex-président était très perturbé à la veille de cette élection. La première de l'histoire du Zimbabwe indépendant à laquelle il n'a pas participé.

"On m'a dit qu'il avait souffert, qu'il n'a pas pu dormir", a témoigné Moyo, mais "il a voté correctement". Très amer, visiblement.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 11/09/2019 à 13h10, mis à jour le 11/09/2019 à 14h35