Afrique du Sud. Energie: enfin le plus grand pollueur du continent entame le virage vert

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Le 23/10/2019 à 15h22, mis à jour le 23/10/2019 à 15h24

L'Afrique du Sud vient d’approuver l’Integrated Resource Plan, la politique énergétique nationale à l’horizon 2030. Il prévoit une production supplémentaire d'électricité de 27,4 GW où l’éolien et le solaire se taillent la part du lion. Toutefois, le charbon restera la première source énergétique.

Face au déficit de production d’électricité, aux multiples coupures d’électricité géantes et à la demande croissante d’électricité, l’Afrique du Sud a, enfin, décidé d’y apporter une réponse en sonnant le début d’un virage contre le presque «tout charbon» sur lequel repose sa production d’électricité.

Ce nouveau plan, très attendu pour faire face aux multiples délestages d’électricité qui touchent le pays, repose sur trois objectifs: la satisfaction de la demande actuelle et future, la diversification de l’offre d’électricité avec de nouvelles capacités accordant plus d’importance aux énergies renouvelables pour sortir du "tout charbon" -une source qui assure plus de 86% de la production d’électricité d’e l'Afrique du Sud- et le respect des obligations internationales en matière d’émission de gaz à effet de serre.

Actuellement, en raison du vieillissement et de l’absence d’entretien des installations de la société publique d’électricité (Eskom), la production électrique du pays est tombée de 47.000 à 35.000 MW, poussant l’entreprise, incapable de satisfaire la demande nationale, à des délestages longs qui suscitent de plus en plus l’ire de la population et qui affectent la première puissance industrielle du continent.

Ainsi, dans le cadre de son Integrated Resource Plan (IRP), le plan stratégique de la politique énergétique du pays à l’horizon 2030, le charbon n’est plus la source sur laquelle le pays compte pour développer sa production énergétique future.

Désormais, à l'instar des pays comme le Maroc, l'Ethiopie et tant d'autres pays africains qui misent sur les énergies renouvelables, le premier pollueur du continent, à cause de ses centrales à charbon d’un autre âge, mise aussi dorénavant sur les énergies renouvelables.

Ainsi, le nouveau plan énergétique du pays accorde la part belle à l’énergie éolienne qui sera le moteur de la production d’électricité supplémentaire du pays durant la période 2022-2030, durée de l’exécution de ce nouveau plan. Ainsi, selon l’IRP, les centrales éoliennes qui seront implantées durant cette période devraient générer 14,4 GW (giga watts) de capacité de production supplémentaire à l’horizon 2030, soit 1,5 GW par an entre 2022 et 2030. A la fin de ce plan, l’éolien devrait représenter 17,8% du mix énergétique du pays.

Outre l’éolien, le nouveau plan prévoit également le développement du solaire avec l’installation de centrales d’une capacité de production de 6 GW à l’horizon 2030. De même, les barrages hydroélectriques qui seront réalisés devraient aussi contribuer à produire 2,5 GW supplémentaires à cette date. Par ailleurs, comme c’est à la mode, le pays compte aussi sur le gaz avec des centrales à même de produire l’équivalent de 3 GW à l’horizon 2030.

Il n’en demeure pas moins que l’Afrique du Sud ne compte pas sortir du charbon. Ce qui est impossible pour plusieurs raisons. D’abord, le pays est dépendant de cette source énergétique. Actuellement, plus de 86% de la production d’électricité proviennent des nombreuses centrales à charbon. Il faudra investir des ressources financières colossales pour remplacer la production de charbon par des ressources moins polluantes.

Ensuite, l’Afrique du Sud ne compte pas abandonner le charbon, même s’il est polluant, du fait que la ressource existe en abondance dans le sous-sol du pays. Le pays détient des réserves prouvées estimées, en 2018, à environ 10 milliards de tonnes, le classant au 12e rang mondial.

En 2017, il s’était classé au 7e rang des producteurs de charbon dans le monde avec une production de 257 millions de tonnes, soit 3,4% de la production mondiale et 6e rang des exportateurs ave 71 millions de tonnes exportées, soit 5,6% des exportations mondiales. C’est dire que le pays ne compte pas délaisser une telle ressource abondante pour la production d’électricité.

Par ailleurs, le charbon est un des secteurs employeurs du pays. L’abandon de cette ressource pousserait des dizaines de milliers de sud-Africains au chômage.

Partant, la production d’électricité à base de charbon va augmenter de 1,5 GW supplémentaires durant la période 2022-2030.

Toutefois, grâce au développement important des autres énergies renouvelables, la part du charbon va fortement baisser au terme du plan stratégique de politique énergétique pour ne plus représenter que 58,8% du mix énergétique à l’horizon 2030, contre 86% actuellement. Loin derrière le charbon, l’éolien devrait peser 18% de la production d’électricité, contre 8% pour l’hydroélectrique, 6% pour le solaire et 5% pour le nucléaire.

Avec ce mix énergétique prévu à l’horizon 2030, l’Afrique du Sud pourra mieux respecter l’Accord de Paris sur le changement climatique de 2015 en réduisant ses émissions de gaz à effet de serre. Les émissions de CO2 de l’Afrique du Sud s’élevaient en 2016 à 7,41 tCO2 par habitant, un niveau supérieur de 70% à la moyenne mondiale et 7,7 fois supérieur à la moyenne africaine, et ce à cause de la prépondérance du charbon dans le mix énergétique du pays.

Enfin, il faut souligner que l’adoption de cette stratégie nationale énergétique était très attendue par les investisseurs étrangers, nombreux à souhaiter investir dans les capacités de production électrique du pays. Désormais, ils ont une feuille de route qui montre clairement le virage entrepris par le pays et les options d’investissement qui s’offrent à eux.

Par Moussa Diop
Le 23/10/2019 à 15h22, mis à jour le 23/10/2019 à 15h24