L’enjeu des résultats résidera essentiellement dans le niveau de participation, une partie de l’opposition ayant appelé au boycott et les violences risquant de dissuader les électeurs d’aller aux urnes dans l’ouest et le nord.
À Buea, le chef-lieu du Sud-Ouest, l’une des deux régions où se concentre la population d’expression anglaise, les bureaux de vote sont quasiment déserts une heure après leur ouverture à 8h 00 (locale). Policiers et soldats, déployés en nombre, sont en revanche partout dans la ville. Dans le bureau de l‘école publique francophone du quartier de la garnison militaire, une quarantaine de policiers assurent ainsi la sécurité.
Les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, où militaires et groupes armés indépendantistes s’affrontent depuis trois ans, connaissent une “hausse des homicides (…) à l’approche des élections”, mettait en garde vendredi Amnesty International.
Ces combats, mais aussi les exactions et crimes commis par les deux camps selon les ONG, ont fait plus de 3.000 morts depuis 2017 et forcé plus de 700.000 personnes à fuir leur domicile.
Lire aussi : Cameroun: l'opposant Kamto appelle au boycott des élections législatives
Dans ces deux régions, où seulement 5% et 15% des inscrits avaient voté à la présidentielle de 2018 en raison de l’insécurité et du boycott par les partisans de l’indépendance, des groupes armés ont appelé les populations à ne pas voter et font tout pour les en dissuader, laissant redouter des violences dimanche.
Une faible affluence
Yaoundé (la capitale politique) a récemment dépêché des centaines de soldats en renfort.
“L’armée du Cameroun s’est livrée à un regain de violence ces dernières semaines, qui a donné lieu à des dizaines d’homicides et contraint des milliers de personnes à quitter plusieurs zones des régions anglophones”, assure Amnesty international, accusant aussi les séparatistes armés de “continuer à perpétrer des crimes graves”.
Lire aussi : Cameroun: un parti de l'opposition juge «insensée» l'organisation d'élections dans les régions anglophones
Des inquiétudes planent également sur la sécurité des bureaux dans la région de l’Extrême-Nord, où les attaques du groupe jihadiste Boko Haram se sont intensifiées ces trois derniers mois.
Ailleurs, dans ce pays d’Afrique centrale, où 75 % des quelque 24 millions de Camerounais ont moins de 35 ans et n’ont connu qu’un seul président, Paul Biya, 86 ans dont 37 au pouvoir, le double scrutin ne déchaîne pas les foules.
Qui incarnera l’opposition?
Outre la participation, et le possible changement de camp de quelques municipalités, c’est le visage de l’opposition – très divisée – dans la future chambre basse du Parlement qui intéressera les Camerounais.
Les candidats d’une myriade de partis d’opposition -49 en comptant les deux scrutins – avaient enchaîné les débats et les grands oraux sur les chaînes de télévision durant la campagne.
Les regards se tournent vers le premier parti d’opposition représenté dans l’Assemblée sortante, le Social Democratic Front (SDF), qui compte actuellement 18 députés.
Plutôt implanté dans les zones anglophones, le SDF est sous la pression des mouvements indépendantistes qui lui reprochent de préférer une solution fédéraliste, que rejette Biya, et de participer au scrutin.
Lire aussi : Cameroun. Elections législatives: le gouvernement dénonce des «tentatives d’ingérence extérieures»
Le parti doit également faire face à la concurrence du Parti camerounais pour la réconciliation nationale (PCRN) du jeune opposant Cabral Libii, arrivé troisième à la présidentielle de 2018 et candidat aux législatives dans le centre du pays, dans une région dont il est originaire et où il part favori.
Le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) de Maurice Kamto, adversaire malheureux de Paul Biya à la présidentielle de 2018, boycotte le scrutin.
Le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) du chef de l’Etat est quasiment assuré de rafler la mise une nouvelle fois – il jouit déjà d’une majorité écrasante à l’Assemblée nationale : 148 sièges sur 180.
En l’absence de risque pour la majorité au parlement, la presse se focalise sur les mairies. Certaines grandes villes, dont Douala, la capitale économique, pourraient ainsi passer à l’opposition.