Hier, dans la matinée du lundi 24 février 2020, les jeunes militants de diverses associations ont manifesté durant plusieurs heures devant les locaux de l’ambassade de France à Yaoundé, la capitale. Ils ont notamment exigé des excuses pour «rétablir l’honneur du Cameroun et du chef de l’État camerounais» Paul Biya, après les propos jugés «discourtois» du président français Emmanuel Macron, samedi dernier en marge du Salon de l’agriculture à Paris.
Sur les banderoles brandies par les manifestants, on pouvait lire des messages comme «le Cameroun n’est la chasse gardée de personne»; «Le Cameroun est un pays souverain et indivisible»; « Macron, non à la France-Afrique»; «Il y a diaspora et diaspora, celle aquatique et malsaine qui s’agite beaucoup ne sait rien de mon pays»; ou encore celle-ci: «Chapeau bas à l'armée camerounaise, professionnelle et loyale» en soutien aux forces de défense», pour dénoncer l’activiste qui s’est présenté devant le président français au salon de l'agriculture comme étant un Camerounais.
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La manifestation, à la fois pacifique et bruyante, s’est accompagnée des chants et des fanfares des manifestants. Ceux-ci ont brandi des drapeaux du Cameroun, puis se sont dispersés dans le calme en mi-journée.
Dans un communiqué publié la veille, dimanche 23 février 2020, les jeunes du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir), ont condamné les propos tenus par le président français, qu'ils ont qualifié de «malheureux, inopportuns, inappropriés, inélégants et inacceptables».
Les jeunes du RDPC dénoncent, dans ce même communiqué, «pour le regretter, la posture condescendante et profondément irrespectueuse de Monsieur Emmanuel Macron».
Même ton du côté de l’association «Les amis de Paupol» (le surnom affectueusement donné au président Paul Biya), qui dénoncent «avec la dernière énergie les propos inélégants et malveillants, voire outrageux du président français Emmanuel Macron à l’endroit du peuple camerounais souverain et de son chef, Son Excellence Paul Biya».
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Le Nouveau mouvement populaire (NMP), par la voix de son président Banda Kani, «dénonce une campagne de dénigrement, d’affabulation et de diabolisation du Cameroun et de son président, pour des raisons évidentes».
Un point de vue que partage Anicet Ekane, président du Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie (Manidem -opposition), pour lequel il faut mettre de côté les divergences politiques.
«Soixante ans après l’indépendance, il est inadmissible qu'un président français s'adresse ainsi publiquement au président d'un pays africain, quel qu’il soit (...) Les Camerounais doivent être particulièrement indignés de cette attitude paternaliste, méprisante et néocolonialiste du président français. Quels que soient les problèmes politiques que nous avons avec le régime en place, nous devons également, de façon conjoncturelle, défendre notre patrie», affirme Anicet Kane.
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Du côté des médias, le ton traduit l’exaspération. Parmi les quotidiens privés, généralement taxés d’opposition par les autorités publiques, le quotidien Mutations évoque une «diplomatie de Jupiter» dans son édition de ce lundi 24 février 2020.
Le Jour, quant à lui, parle d’une «une vidéo qui dérange», tandis qu’à la suite des propos relayés, Le Messager pose cette interrogation: «Cameroun, qui gouverne?». Et le journal Émergence a choisi ce titre provocateur pour sa Une: «Emmanuel Macron dézingue Paul Biya».
L’Essentiel traite Emmanuel Macron de «libérateur téléphonique». Pour l’hebdomadaire Repères, le président français est «immature», tandis qu’Essingan évoque sans détour «les dérapages d'un suprémaciste blanc».
Pour «Le Quotidien», cette sortie montre bien «la main invisible de Paris», au sujet de la «déstabilisation du Cameroun», alors que pour le journal Intégration, quand «Paris éternue, Yaoundé s'enrhume».