Après trois ans de mission, Ghassan Salamé, l'envoyé spécial du secrétaire général des Nations Unies en Libye, rend le tablier. Sa démission a été annoncée hier sur son compte Twitter.
"Pendant deux ans, j'ai cherché à réunir les Libyens, à freiner l'ingérence de l'étranger et à préserver l'unité du pays. Aujourd'hui, le Sommet de Berlin a eu lieu et la résolution 2510 a été publiée, et les trois pistes ont été lancées malgré certaines réticences, pour reconnaître que ma santé ne permet plus ce niveau de stress. J'ai donc demandé au Secrétaire général de me soulager de ma mission, en espérant la paix et la stabilité en Libye", a-t-il écrit.
Pourtant, il y a un peu plus de trois semaines, tout le monde avait l'espoir d'un traité de paix, y compris le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, qui l'affirmait lors d'une récente interview accordée à Radio France internationale (RFI).
Malheureusement, l'ingérence étrangère complique de plus en plus la situation pour les Libyens. La Turquie, qui tient tant à l'accord sur le tracé de la frontière maritime signé avec le gouvernement d'entente nationale (GNA) de Fayez El-Serraj, ne compte pas laisser se conclure un traité de paix. Reccep Tayyip Erdogan sait qu'il ne pourra pas gagner la guerre, car ni ses propres troupes, ni les miliciens syriens qu'il a recrutés ne peuvent suffisamment défendre Tripoli, à plus forte raison reconquérir toutes les villes actuellement entre les mains de l'Armée nationale libyenne de Khalifa Haftar.
La preuve que la Turquie est incapable de gagner la guerre libyenne est apportée par le fait que l'aéroport et le port de Tripoli que ses troupes sont censées défendre sont régulièrement pilonnés par les troupes de Haftar. Même avec le soutien financier du Qatar, le gouvernement de Fayez El-Serraj ne pourra pas repousser l'Armée nationale libyenne (ANL) au-delà des limites de la capitale.
De plus, l'intervention turque a poussé Khalifa Haftar à vouloir asphyxier financièrement le GNA. En effet, jusqu'en décembre dernier, la National Oil Company (NOC), société nationale chargée d'exploiter le pétrole libyen, pouvait commercialiser cette ressource si précieuse pour le pays, même si les puits de pétrole ainsi que les principales installations ont toujours été entre les mains des troupes de l'Est.
Depuis janvier, le manque à gagner est de l'ordre de 2,5 milliards de dollars. Une situation insupportable pour le gouvernement de Fayez El-Serrraj, même si les revenus du pétrole profitaient aussi bien à Tripoli qu'à Tobrouk sous contrôle de Khalifa Haftar. C'est d'ailleurs ce qui a poussé le GNA à quitter la table des négociations, puisque la levée du blocus était pour lui une condition sine qua non pour la poursuite du dialogue, comme l'est le retrait des troupes turques pour l'ANL.
Ghassan Salamé n'ayant réussi à obtenir aucune de ces conditions auprès des protagonistes a préféré jeter l'éponge. En effet, il avait fini par se retrouver tout seul dans ce qui devait être le dialogue de la dernière chance.
Aujourd'hui, la Turquie va continuer à envoyer des troupes pour davantage compliquer la situation que pour gagner la guerre. Son objectif est de faire en sorte qu'au moment où une solution politique devra être adoptée entre Libyens, que son accord sur la frontière maritime soit sauvé.
Khalifa Haftar, qui a lancé son offensive depuis bientôt une année, sait également qu'il n'aura pas de victoire finale, même si la situation actuelle est largement en sa faveur.