[Tribune] L’Afrique et le monde face au coronavirus, par Macky Sall

Macky Sall, Président de la République du Sénégal

Macky Sall, Président de la République du Sénégal. DR

Le 09/04/2020 à 17h42, mis à jour le 09/04/2020 à 17h53

Pour le président sénégalais Macky Sall, qui demande l’annulation de la dette publique africaine, la crise provoquée par l’épidémie de coronavirus est l’occasion de définir un nouvel ordre mondial.

Avec une population estimée à 1,3 milliard d’habitants, l’Afrique est atteinte par le Covid-19 au moment où plusieurs de ses pays, malgré les défis du sous-développement, sont sur une trajectoire d’émergence, alors que d’autres continuent de faire face à la lutte contre le terrorisme. Le Covid-19 freine ainsi l’élan des uns, aggrave la situation des autres, et remet en cause les efforts de tous. De plus, il soumettra à rude épreuve des systèmes nationaux de santé publique déjà vulnérables.

À l’échelle nationale, de nombreux pays ont adopté des plans de contingentement pour endiguer la propagation du virus. Mais, le niveau d’impréparation du à la survenance brutale de la pandémie, à son évolution rapide et à l’ampleur des besoins montre clairement les limites des mesures nationales.

S’y ajoutent les difficultés inhérentes à l’importation des équipements et des produits médicaux et pharmaceutiques nécessaires à la lutte contre le Covid-19, dans un contexte de forte demande et de perturbation du trafic aérien.

Si nous voulons gagner le combat contre le Covid-19, il nous faudra maintenir à niveau les capacités de riposte, notamment :

  1. disposer en quantité suffisante d’équipements et de matériels médicaux et de protection : kits de test, masques, équipements de protection individuelle ;
  2. aménager et équiper des centres d’isolement et de traitement des malades ;
  3. assurer la détection précoce des cas d’infection liée au Covid-19 au niveau de sites de référence ;
  4. assurer l’isolement rapide et la prise en charge des cas suspects et confirmés d’infection liée au Covid-19 ;
  5. renforcer les mesures de prévention et de contrôle de l’infection ;
  6. assurer une bonne coordination des interventions

Il faut dire qu’en dépit des efforts jusque-là consentis, les pays africains n’ont pas encore atteint les normes préconisées par l’Organisation mondiale de la santé en infrastructures sanitaires et personnels qualifiés, dont la répartition reste encore inégale au détriment des zones rurales.

De façon générale, les besoins de l’Afrique dans le secteur de la santé se posent en ces termes :

  1. construction, réhabilitation et équipement des structures sanitaires de base et de référence ;
  2. acquisition d’équipements lourds et de matériels roulants : générateurs d’oxygène, scanners, appareils d’angiographie, ambulances médicalisées, entre autres ;
  3. ormation de ressources humaines en qualité et quantité suffisantes ;
  4. utilisation optimale des TIC dans le domaine médical (télémédecine et autres applications) ;
  5. mise en réseau des expertises nationales au sein et entre les pays ;
  6. création de plateformes régionales pour faciliter le déploiement d’opérations d’urgence, à l’instar de la plateforme de Dakar qui a servi de base aérienne et logistique lors de la crise d’Ebola qui a frappé certains pays de l’Afrique de l’Ouest
  7. appui aux initiatives pour la Couverture maladie – ou sanitaire – universelle

Trois leçons à tirer

Pour en revenir au Covid-19, il faut rappeler que nous sommes en présence d’une pandémie, c’est-à-dire une épidémie à l’échelle mondiale. Les efforts jusque-là menés au quatre coins de la planète n’ont pas encore permis de découvrir tous les secrets de ce grand inconnu, qui a fini de révéler au grand jour les limites de tous les systèmes nationaux, même les plus sophistiqués. Tous les pays, surpris et débordés, se sont retrouvés dans une sorte de sauve qui peut, dévoilant au quotidien les lacunes des uns et des autres.

La première leçon à retenir de cette crise majeure, où l’infiniment petit fait trembler le monde entier, c’est que, devant des menaces transfrontalières, grands ou petits, riches ou pauvres, nous sommes tous vulnérables.

Deuxième leçon, le Covid-19 renvoie au monde ses propres contradictions. Nous vivons, en effet, une ère de paradoxes. La terre est assurément ronde, mais quelque chose, quelque part, ne tourne pas rond. L’homme continue de faire des progrès tous azimuts, reculant chaque jour les limites de la science et de la technologie, y compris dans la conquête de l’espace.

Pendant ce temps, sur terre, il manque de masques, de kits de test, d’équipements de protection individuelle, de lits, de respirateurs; autant de produits, matériels et équipements indispensables à la prise en charge des malades et à la protection des personnels de santé, véritables héros engagés au front d’une lutte risquée et potentiellement mortelle contre un ennemi invisible à l’œil nu. Il est donc temps de revenir sur terre !

Troisième leçon, enfin, et sans être exhaustif, la pandémie de Covid-19, tout comme, du reste, les périls de l’environnement et du terrorisme, confirme les limites objectives de l’État-Nation dans la réponse aux menaces transfrontalières.

Le 09/04/2020 à 17h42, mis à jour le 09/04/2020 à 17h53