Les relations entre Addis-Abeba et Khartoum ne sont plus ce qu’elles étaient au temps de l’ancien président Omar el-Béchir. Elles ont même enregistré des frictions ces derniers temps. Notamment lorsqu'Addis-Abeba a voulu conclure un accord avec Khartoum sur le remplissage du réservoir du barrage de la grande Renaissance éthiopienne sans l’Egypte. Elle s'est heurtée à un net refus du Soudan, avant de connaître un épisode malheureux avec les accrochages meurtriers sur le territoire soudanais, jeudi dernier, entre une milice Amhara, soutenue par l’armée éthiopienne, et les forces armées soudanaises.
Des accrochages qui se soldés par la mort d’un officier soudanais. Un enfant aurait été tué et une dizaine de personnes blessées.
Du coup, les autorités soudanaises, ayant accusé la milice Amhara d’avoir bénéficié du soutien de l’armée régulière éthiopienne, ont décidé sur le coup d’envoyer des renforts dans la région.
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Ces accrochages sont intervenus alors que les états-majors des deux pays multiplient depuis quelques mois les concertations visant à pacifier la région afin d'éviter les incursions transfrontalières entre les deux pays.
Il faut dire que la tension au niveau de cette région reste vive, et ce, depuis plusieurs années. Toutefois, les deux pays ont toujours su gérer la situation au temps de l’ancien président Omar el-Béchir. En effet, depuis longtemps, les agriculteurs éthiopiens font des plantations sur le territoire soudanais suite à des accords négociés entre l’ancien président Omar el-Béchir et l’ancien dirigeant éthiopien Méles Zenawi, dans les années 1990. En contrepartie, le gouvernement éthiopien s’était engagé à empêcher l’opposition soudanaise de trouver refuge en Ethiopie et d’utiliser le territoire éthiopien comme base arrière pour lancer des attaques contre Khartoum.
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La situation a évolué avec l’indépendance du Soudan du Sud en juillet 2011 et surtout après la chute du régime d’Omar el-Béchir.
Et en avril dernier, le président du Conseil souverain soudanais, le général al-Burhan, s’était lui-même rendu dans la région et avait juré de «défendre vigoureusement» la souveraineté du Soudan. Du coup, suite à ces accrochages meurtriers, Khartoum a décidé d’envoyer des renforts dans la région et convoqué le chargé d’Affaires éthiopien au Soudan.
Toutefois, les deux pays semblent désormais avoir opté pour le dialogue pour régler ce différend. Le porte-parole de l’armée soudanaise a proposé des patrouilles conjointes pour assurer la sécurité au niveau de la frontière. Addis-Abeba a appelé à un «dialogue cordial» et à une enquête conjointe.
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Il faut dire que les deux pays ont un problème plus stratégique à régler, celui du barrage de la Renaissance, construit par l’Ethiopie sur le Nil Bleu à une trentaine de kilomètres de la frontière avec le Soudan et qui envenime les relations entre l’Ethiopie et l’Egypte.
En mai dernier, l’Ethiopie avait tenté de signer un accord avec le Soudan pour la première phase du remplissage du réservoir de cet important barrage. Toutefois Khartoum s’y est opposé en soulignant qu’aucun accord ne pouvait être signé sans l’Egypte, le pays qui sera le plus affecté par la réduction du débit du Nil. Ce qui a certainement aggravé la tension entre les deux pays.
Après plusieurs mois de blocage, les négociations entre les trois pays devraient reprendre prochainement, avant que l’Ethiopie n’envisage d'entreprendre le remplissage du réservoir de 75 milliards de mètres cubes du plus grand barrage hydroélectrique d’Afrique.