Libye: le GNA soutenu par la Turquie se rapproche de l'Égypte

Le président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi avec des leaders de tribus libyennes lors d'une conférence au Caire le 16 juillet 2020.

Le président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi avec des leaders de tribus libyennes lors d'une conférence au Caire le 16 juillet 2020. . Présidence égyptienne / AFP

Le 12/09/2020 à 12h24

Tripoli a dépêché une forte délégation au Caire. Celle-ci dispose de trois jours pour convaincre le président égyptien, Abdelfattah Al-Sissi, de faire plier les frères ennemis de l'Est, notamment le maréchal Khalifa Haftar.

Au vu des nouvelles initiatives, on va sans doute vers une résolution imminente du conflit libyen. Après le dialogue des deux camps libyens, entamé simultanément à Bouznika au Maroc cette semaine et à Genève, hier vendredi 11 septembre, c'est une forte délégation venant de Tripoli qui s'est rendue en Égypte qui est pourtant l'un des principaux soutiens du maréchal Khalifa Haftar, le frère ennemi de l'Est.

En effet, ce sont une dizaine de personnalités favorables à Fayyez El-Serraj et au gouvernement d'union nationale qui se sont rendues au Caire auprès du maréchal Abdelfattah Al-Sissi pour y mener des discussions pendant trois jours, c'est-à-dire jusqu'à dimanche 13 septembre courant. 

Au micro de Radio France internationale, Saad Benshrada, membre de la délégation et responsable au Haut Conseil d'État libyen, a d'ailleurs reconnu que le moment était propice pour aboutir à une reconsidération des positions et aller vers une solution politique, puisque sur le terrain aucune victoire n'est possible ni dans leur camp soutenu par Recep Tayyip Erdogan, ni dans celui de Haftar.

"Ce rapprochement avec l’Égypte intervient maintenant, car les données sur le terrain ont changé. Les Libyens ainsi que la communauté internationale se sont rendu compte qu’aucune partie à la lutte ne peut dominer l’autre par la force. Il ne nous reste que le dialogue comme issue en Libye", a-t-il affirmé.

En réalité, le camp de Tripoli compte sur ces discussions avec Al-Sissi pour que Le Caire fasse évoluer la position intransigeante du maréchal Haftar qui, bien qu'ayant été délogé de ses positions autour de Tripoli, tient solidement la ville stratégique de Syrte, mais aussi et surtout le croissant pétrolier.

Or, Haftar en veut à Tripoli d'avoir fait intervenir la Turquie, ce qui l'a poussé à arrêter totalement la production pétrolière si vitale au pays. Cette semaine, aussi bien à Tripoli qu'à Benghazi, les populations sont sorties manifester contre les conditions de vie difficiles qui sont la conséquence directe de l'arrêt de la production pétrolière.

En tout cas, Tripoli place beaucoup d'espoir sur cette mission, souhaitant que "l’Égypte, au vu de ses relations avec le maréchal Khalifa Haftar et Aguila Saleh [président du Parlement libyen, Ndlr] puisse exercer des pressions sur eux afin de consolider le cessez-le-feu, reprendre la production pétrolière et accepter les résultats de toutes discussions entre Libyens à l’avenir", explique Saad Benshrada.

"Nous savons que l’Égypte est un pays central pour la Libye et qu’il n'y aura pas de solution pour notre pays sans Le Caire", poursuit le responsable. "Nous leur avons communiqué nos reproches, mais c’étaient des reproches entre frères. Nos discussions sont cordiales. Nous avons tous envie de tourner la page du passé et de penser à l’avenir. Nous souhaitions que l’Égypte garde les contacts avec l’Ouest libyen et avec les Libyens partout dans le pays. Nous savons très bien que l’Égypte est un grand acteur fort et puissant au Moyen-Orient", a-t-il ajouté.

En tout cas, il est clair que tout est désormais fait par Tripoli pour amadouer l'Égypte afin d'arriver rapidement à une solution qui apaise définitivement le pays. Quitte à tresser à Haftar une couronne de laurier.

Par Djamel Boutebour
Le 12/09/2020 à 12h24