Un rebelle à la présidence
En 1979, le jeune leader rebelle contribue à la chute du dictateur sanguinaire Idi Amin Dada, avant de mener une guérilla contre le gouvernement du répressif Milton Obote.
Après son accession au pouvoir en janvier 1986, Museveni déclare: "le problème de l'Afrique (...), ce ne sont pas les peuples, mais les dirigeants qui veulent rester au pouvoir trop longtemps".
Le nouveau président est initialement loué pour sa capacité à remettre l'Ouganda sur le chemin de la stabilité. Déchiré par le régime de terreur d'Amin Dada et les guerres civiles, le pays compte alors parmi les plus pauvres du monde.
Museveni est réélu en 1996 dans cette ancienne colonie britannique, lors de la première élection présidentielle depuis l'indépendance de l'Ouganda en 1962.
Bienveillance de l'Occident
Avec ses réformes économiques et la croissance rapide de l'Ouganda dans les années 90, l'ancien marxiste séduit les investisseurs étrangers.
Sa lutte contre la pandémie de sida et l'extrême pauvreté lui attire la bienveillance de la communauté internationale. Museveni passe alors pour un dirigeant africain moderne, loin des dérives de ses prédécesseurs.
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Mais sa réputation est rapidement ternie à la fin des années 90, notamment lorsque l'Ouganda et le Rwanda, dirigé par son ami Paul Kagame, envahissent par deux fois l'est de la République démocratique du Congo (RDC). La justice internationale reprochera ensuite aux deux armées d'avoir pillé les ressources du pays, massacré des civils et enrôlé des enfants-soldats.
Promesses brisées
En 2001, Museveni s'engage à ne plus briguer la présidence, après avoir défait dans les urnes son rival Kizza Besigye. Une promesse qu'il trahit en 2005, en supprimant la limite du nombre de mandats prévu par la constitution.
Un an plus tard, il souffle ses 20 bougies au pouvoir en battant de nouveau Kizza Besigye, lors d'un scrutin entaché d'irrégularités et de violences.
En 2006 toujours, le président chasse du nord de l'Ouganda les rebelles de l'Armée de résistance du Seigneur (LRA), qui contestaient son pouvoir depuis 20 ans et se sont distingués par leurs atrocités sur les populations civiles. L'armée ougandaise passe la décennie suivante à les traquer au Soudan, en RDC et en Centrafrique.
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En parallèle, Museveni coopère avec Washington, allié fidèle qui a déversé des milliards d'aide internationale en Ouganda, en fournissant des troupes en Irak. En Somalie, le contingent ougandais est un des plus importants de la force de l'Union Africaine (Amisom) déployée pour lutter contre les islamistes shebab, affiliés à Al-Qaïda.
Dérive autoritaire
Les années 2010 le confortent dans ses habits de dirigeant autoritaire.
La décennie débute par des accusations de l'ONU envers les troupes ougandaises, soupçonnées de crimes de guerre en RDC. En réponse, Museveni menace de retirer son soutien militaire crucial dans diverses régions: Somalie, Soudan du sud, Darfour, Côte d'Ivoire, Timor oriental. Un joker qu'il n'hésitera pas à ressortir de sa manche.
En 2011, il remporte un nouveau scrutin face à Kizza Besigye. Dénoncée comme une mascarade, l'élection provoque d'importantes manifestations, violemment réprimées par le pouvoir: le prix de l'essence et de la nourriture explosent, l'économie vacille.
La répression s'intensifie pendant les années suivantes. Plusieurs radios sont supprimées des ondes, certains journaux sont perquisitionnés pour avoir suggéré que le président prépare son fils à sa succession.
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En 2014, Museveni promulgue une loi anti-homosexuels largement condamnée, qui provoque des sanctions américaines et le gel de l'aide financière européenne.
Président à vie
"Animé par une mission, pas par le pouvoir", il assure vouloir transformer l'économie ougandaise et est réélu une cinquième fois en 2016.
Indéboulonnable, le septuagénaire incarne désormais les travers des présidents à vie qu'il dénonçait dans sa jeunesse. Son Ouganda est un régime autoritaire, dirigé par un parti quasi-unique qui a supprimé en 2017 l'âge limite constitutionnel pour briguer la présidence.
Candidat à un sixième mandat, le vétéran montre toutefois des signes de nervosité face à son nouvel opposant, l'ex-chanteur de ragga Bobi Wine, qui le dépeint ouvertement en dictateur responsable du chômage des jeunes et de la corruption endémique paralysant l'économie.
Charismatique, le jeune député de 38 ans a été arrêté à de nombreuses reprises depuis 2018 et sa campagne a été violemment réprimée par le régime, au nom de la lutte contre le coronavirus.
Cette main de fer devrait permettre à Yoweri Museveni de s'accrocher au pouvoir à l'issue de l'élection présidentielle de jeudi, que de nombreux observateurs décrivent comme jouée d'avance.