- Les civils, premières cibles -
Début janvier, 105 civils ont été tués dans l'attaque de deux villages de l'Ouest du Niger par des jihadistes (affiliés à l'organisation Etat islamique, selon Niamey). C'est le bilan le plus meurtrier d'une attaque jihadiste dans la région depuis 2012.Souvent obligés de choisir leur camp sous peine de représailles, les civils sont pris entre deux feux ou victimes d'amalgames communautaires.
Lire aussi : Cinq pays du Sahel et la France en sommet, conflit et gouvernance à l'agenda
Certains s'abandonnent aux nouveaux maîtres des immenses espaces ruraux sahéliens où les Etats, jeunes et parmi les plus pauvres du monde, n'ont jamais eu la moindre emprise. D'autres fuient avec un maigre bagage et vont s'entasser dans les faubourgs des villes. Début janvier, le seuil des deux millions de déplacés a été dépassé pour la première fois au Sahel.En 2020, 2.248 civils ont été tués dans cette partie du Sahel, 400 de plus qu'en 2019, selon l'ONG Acled, spécialisée dans la collecte des données relatives aux conflits.
- Extension du jihadisme -
D'abord implantés dans le Nord du Mali en 2012, puis dans les zones frontalières avec le Burkina Faso et le Niger, les groupes jihadistes ont étendu leur champ d'action depuis le sommet franco-sahélien de Pau (France) en janvier 2020.Le renseignement français a récemment diffusé la vidéo d'une réunion entre les chefs d'Al-Qaïda au Sahel, prévenant contre "leur projet d'expansion vers les pays du golfe de Guinée". Une menace connue de longue date des pays de la région. En juin 2020, un poste de contrôle du Nord de la Côte d'Ivoire, frontalier du Burkina Faso, a été visé par une attaque similaire aux actions jihadistes sahéliennes: 14 soldats ont été tués.
Lire aussi : Sahel: les Etats-Unis soutiennent la France mais ne s'engagent pas
Un récent rapport de l'ONU a fait état d'une implantation d'Al-Qaïda au Sénégal, où quatre jihadistes présumés viennent d'être écroués. Le côté malien de la frontière commune a été pour la première fois théâtres d'attaques jihadistes en 2020.
- Militarisation des sociétés -
Jean-Hervé Jézéquel, chef de projet Sahel à l'International Crisis Group (ICG), observe une "militarisation des sociétés dans l'espace sahélien" qui sera "très dure" à freiner.Au Burkina Faso ont été créés en novembre 2019 les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), supplétifs des forces armées.Dans le centre du Mali, la milice Dan Nan Ambassagou, bien qu'officiellement interdite, contrôle un territoire d'où l'Etat est absent. Les deux milices, accusées de nombreuses exactions, comblent un "vide étatique flagrant", explique une source onusienne au Mali.
- Etats défaillants -
Les armées de la région n'ont plus subi d'attaque de l'envergure de celles qui avaient fait dans centaines de morts en quelques semaines dans une dizaine de camps militaires fin 2019. Paris estime qu'elles "montent en puissance" vers plus d'autonomie.Les partenaires des gouvernements évoquent un contexte politique favorable avec des processus électoraux bouclés ou en passe de l'être au Burkina et au Niger, et des autorités de transition maliennes en mesure de commencer à travailler après le putsch d'août 2020.
Lire aussi : Sahel: la France cède des blindés légers à l'armée tchadienne
Mais fin 2020, seuls 9% des administrateurs civils étaient déployés dans le Nord et le centre du Mali, "le chiffre le plus bas depuis au moins septembre 2015", selon l'ONU. La majorité des territoires échappe à l'autorité centrale."La crise sécuritaire n'est que l'expression d'une crise plus profonde de la gouvernance des Etats", argue M. Jézéquel. Il plaide pour qu'émergent des initiatives sahéliennes "après sept ans à suivre la France".