Coopération militaire: l’Égypte et le Soudan signent un accord sur fonds de tensions avec l'Éthiopie

Cérémonie de signature d'un accord de renforcement de la coopération militaire entre l'Egypte et le Soudan.

Cérémonie de signature d'un accord de renforcement de la coopération militaire entre l'Egypte et le Soudan.. DR

Le 04/03/2021 à 12h15, mis à jour le 04/03/2021 à 12h37

L’Egypte et le Soudan ont finalisé un important accord de coopération militaire. Celui-ci intervient alors que le Soudan fait face à une tension grandissante avec son voisin éthiopien du fait du barrage de la Renaissance et d’un différend frontalier. Analyse.

L’Egypte et le Soudan ont signé, le mardi 2 mars 2021, à Khartoum, un important accord de coopération militaire. Paraphé par Mohamed Farid, chef d’état-major des forces armées égyptiennes, et son homologue soudanais, Muhammad Othman el-Hussein, cet accord boucle plusieurs mois de discussions entre les deux pays.

Selon le chef d’état-major soudanais, "l’objectif de l’accord est d’assurer la sécurité nationale des deux pays et de mettre sur pied des forces armées pleines d’expérience et de connaissance". Pour sa part, Mohamed Farid s’est contenté de souligner l’existence d’un consensus de visions sur toutes les questions visant à développer des domaines de coopération entre les forces armées égyptiennes et soudanaises.

Outre le renforcement de la coopération militaire, les autorités soudanaises ont annoncé que le président égyptien se rendra le samedi 6 mars prochain à Khartoum pour rencontrer les autorités soudanaises. En plus de la consolidation des relations bilatérales entre les deux pays, il sera surtout question des affaires régionales et particulièrement du différend entre les deux pays et l’Ethiopie à propos du barrage de la Renaissance en cours de réalisation sur le Nil bleu.

D’ailleurs, ce rapprochement militaire intervient dans un contexte régional très particulier. La tension entre l’Ethiopie et le Soudan est montée d’un cran ces derniers jours, se traduisant par le rappel par Khartoum de son ambassadeur en Ethiopie, pour des consultations au sujet des relations entre les deux pays.

"C’est une procédure diplomatique courante lorsqu’il y a des développements dans les relations entre deux pays", a tenté d’expliquer Mansour Boulad, porte-parole du ministère soudanais des Affaires étrangères.

La décision de Khartoum intervient au milieu de tensions croissantes entre les deux pays au sujet de la région frontalière d’El-Fashaga, où le Soudan accuse des cultivateurs éthiopiens d’occuper des terres soudanaises. Les deux pays se disputent cette région de quelque 250 km2.

Une situation résultant d’un différend frontalier venu se greffer au problème majeur que constitue la construction du Grand barrage de la Renaissance éthiopienne (GERD) que l’Ethiopie construit sur le Nil bleu, à une trentaine de kilomètres de sa frontière avec le Soudan. Un barrage à l’origine d’un profond différend entre l’Ethiopie et les pays en aval du Nil, le Soudan et l’Egypte.

Et si depuis des années, la tension était surtout vive entre l’Ethiopie et l’Egypte au temps de l’ancien président Omar el-Béchir, désormais, c’est le Soudan qui semble le plus porter cette inquiétude.

Il faut souligner qu’au-delà du barrage, le Soudan et l’Ethiopie ont un différend frontalier qui suscite des tensions entre les deux pays ces derniers temps.

La tension est devenue encore plus vive depuis que l’Ethiopie a annoncé son intention de passer à la seconde phase de remplissage du réservoir du barrage de la Renaissance en juillet 2021 afin que celui-ci commence à produire ses premiers kilowatts, avec l’intention de finaliser les travaux du barrage à l’horizon 2023. Depuis cette annonce, Khartoum s’inquiète de ce que le remplissage de ce barrage de 74 milliards de mètres cubes n’impacte négativement les réservoirs de ses barrages situés en aval.

Khartoum avait même menacé de quitter les discussions du fait de l’absence de résultats lors des négociations précédentes sur ce barrage, alors que l’Egypte prône la poursuite des négociations tout en affirmant qu’elle ne fera aucune concession à l’Ethiopie sur ses droits sur le Nil. Quant à l’Ethiopie, elle continue à faire la sourde oreille, campant sur sa souveraineté sur la partie du Nil bleu où est construit le barrage et exigeant un nouveau partage des eaux du Nil plus équitable à son égard, sachant que plus de 80% des eaux du Nil viennent du Nil bleu qui prend sa source en Ethiopie.

Partant de ces différends auxquels est venu se greffer le différend frontalier entre l’Ethiopie et le Soudan, qui s’est traduit dernièrement par des affrontements causant des décès dans les rangs des forces soudanaises, la signature de cet accord militaire portant sur le renforcement de la coopération militaire entre le Soudan et l’Egypte prend une autre dimension chez le voisin du sud, l’Ethiopie.

La portée de cet accord devrait encore s’éclaircir avec la visite annoncée du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi à Khartoum, à partir de ce samedi 6 mars, selon l’agence de presse soudanaise (SUNA). Outre les relations bilatérales et les moyens de les développer, le différend avec l’Ethiopie sur le Grand barrage de la Renaissance sera au cœur des discussions entre les deux pays, au moment où le Caire et Khartoum ont demandé la médiation de la RD Congo dont le président Félix Tshisekedi assure la présidence de l’Union africaine. 

Par Moussa Diop
Le 04/03/2021 à 12h15, mis à jour le 04/03/2021 à 12h37