Blaise Compaoré, qui vit en Côte d'Ivoire depuis qu'il a été renversé par une insurrection populaire, a rencontré jeudi à Abidjan le ministre de la Réconciliation nationale, Zéphirin Diabré, dans la plus grande discrétion.
La rencontre n'avait pas été annoncée et aucun des participants n'en a fourni de compte rendu.
Seul un cadre du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), le parti fondé par Blaise Compaoré, a déclaré, sous couvert de l'anonymat que "les échanges ont porté sur la question de la réconciliation nationale, et bien entendu des conditions du retour de M. Compaoré" dans son pays.
Il a rappelé que ce retour était "une promesse" faite par le président burkinabè Roch Marc Christian Kaboré pendant sa campagne électorale de novembre 2020.
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"Il est clair que son retour a été le sujet phare lors de cette rencontre à Abidjan", affirme Drissa Traoré, analyse politique. Un retour qui "sur le plan politique peut apaiser la situation", selon lui.
Saluant la rencontre, le président du parti d'opposition Le Faso autrement, Ablassé Ouedraogo, a estimé que "ce sont des démarches qui devraient contribuer à apaiser les cœurs des Burkinabè".
Blaise Compaoré, qui a obtenu la nationalité ivoirienne, doit être jugé au Burkina Faso pour son rôle dans l'assassinat du président Thomas Sankara, icône panafricaine, lors du coup d'Etat de 1987 qui l'a porté au pouvoir, où il est resté pendant 27 ans.
Si juridiquement l'extradition de Blaise Compaoré de Côte d'Ivoire est possible, il est rare qu'un pays extrade ses propres ressortissants. Il a de plus noué des liens étroits avec le président ivoirien Alassane Ouattara, qui a également rencontré le ministre Zéphirin Diabré pendant sa visite à Abidjan.
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Le dossier de l'assassinat de Thomas Sankara a été renvoyé le 13 avril devant le tribunal militaire de Ouagadougou par la juridiction d'instruction, après la confirmation des charges de "complicité d'assassinats" et "d'attentat à la sûreté de l'Etat" contre 14 personnes, dont Compaoré.
"Avec une telle épée de Damoclès qui plane sur sa tête, Blaise Compaoré acceptera-t-il de retourner au bercail sans un minimum de garanties?", s'interrogeait vendredi le quotidien privé Le Pays.
Une question que se pose également le quotidien en ligne Wakat Sera, en notant que Blaise Compaoré "sait qu'en revenant, il devra se soumettre à la justice pour les nombreux dossiers dans lesquels il est cité, dont le plus emblématique est celui de l'affaire Thomas Sankara".
"Epée de Damoclès"
Interrogé par l'AFP, Davy Richard Sekone, éditorialiste du quotidien privé Aujourd'hui au Faso, note qu'au moment où le Burkina, "après 61 ans d'indépendance, entame un processus de réconciliation, la véritable préoccupation qui surgit reste de concilier les affaires pendantes en justice et la nécessaire catharsis sociale".
"Pour ce faire, il importe de trouver la bonne formule pour ne pas tordre le cou de la justice au profit d'un arrangement politique", estime-t-il, ajoutant: "C'est l'inquiétude que suscite cette entrevue du ministre en charge de la Réconciliation nationale avec l'ancien président".
Mais, affirme Le Pays, nombreux sont les Burkinabè "qui se sont félicités de la rencontre entre les deux hommes, même si l'on imagine que ce n'est pas demain la veille que l'ex-président exilé à Abidjan débarquera avec ses bagages à l'aéroport international de Ouagadougou au nom de la réconciliation nationale".