Après 20 heures d'audience, Mme Madougou, 47 ans, a été reconnue coupable de "complicité d'actes terroristes" par la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet). L'opposante, qui avait plaidé non coupable, a été condamnée à la peine requise par le procureur.
Mis en place par le pouvoir en 2016, ce tribunal spécial est accusé par ses détracteurs de servir d'instrument juridique du pouvoir pour museler l'opposition.
"Cette cour a délibérément décidé de clouer au pilori une innocente", a déclaré Mme Madougou, peu avant l'annonce de sa condamnation, qu'elle a accueillie d'un léger sourire. "Je n'ai jamais été et je ne serai jamais une terroriste".
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L'ancienne ministre, dont la candidature à l'élection présidentielle du 11 avril avait été rejetée, avait été arrêtée quelques semaines avant le scrutin qui a vu le président Patrice Talon être réélu pour un second mandat avec plus de 86% des voix.
Mise en examen et écrouée début mars à Cotonou, la capitale économique, l'opposante est accusée d'avoir financé une opération visant à assassiner des personnalités politiques pour empêcher la tenue du scrutin et ainsi "déstabiliser" le pays.
"C'est triste pour notre justice. Je maintiens qu'il n'y a pas de preuve", a déclaré à l'AFP un de ses avocats, Me Robert Dossou.
"Jugée à 6H00 du matin, sans témoins, sans pièces, sans preuve, Reckya Madougou condamnée à 20 ans de prison par trois suppôts du pouvoir. Son crime: avoir incarné une alternance démocratique au régime de Patrice Talon", a réagi sur Twitter un autre de ses avocats, Me Antoine Vey.
- "Tout a été orchestré" -
L'audience, qui s'est globalement déroulée dans le calme, a été marquée dès son ouverture vendredi par l'indignation de Me Vey, qui avait lâché à la barre : "Cette procédure n'est qu'un coup politique. Avant même son arrestation, tout a été orchestré".
Dans la foulée, l'avocat, arrivé la veille de Paris, avait demandé l'annulation du procès avant de quitter la salle, sans jamais revenir. Il a ensuite dénoncé auprès de l'AFP "un procès qui n'a rien de judiciaire".
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Les avocats béninois de Mme Madougou n'ont quant à eux pas quitté l'audience qui s'est poursuivie jusqu'au petit matin samedi.
Le gouvernement affirme que la Criet est un organe totalement indépendant, jugeant de manière impartiale et faisant fi des appartenances politiques.
Pourtant, c'est sans surprise que Mme Madougou a été condamnée, après avoir affirmé à la barre "ne pas se faire d'illusion" quant à l'issue du procès.
"Je m’offre à la démocratie de mon pays si mon sacrifice peut rendre à votre cour son indépendance", avait-elle lancé dans la soirée.
Moins d'une semaine avant l'élection présidentielle, le juge de la chambre des libertés de la Criet Essowé Batamoussi avait fui le pays et dénoncé des pressions exercées par le pouvoir, notamment dans l'incarcération de Mme Madougou.
- Mirage d'apaisement -
Investie par le parti "Les Démocrates" de l’ancien président de la République Thomas Boni Yayi, ennemi du président Talon, Mme Madougou s'était portée candidate à la présidentielle de 2021 en dénonçant notamment l’absence de pluralisme électoral.
En signe d'apaisement, Patrice Talon avait reçu en septembre M. Yayi - critique de la présidence et qui réclame la libération des opposants politiques -, cinq ans après leur dernière rencontre.
Mardi, la Criet a condamné l'opposant Joël Aïvo à 10 ans de prison notamment pour "complot contre l'autorité de l'Etat" et "blanchiment de capitaux". L'universitaire, en détention depuis huit mois, avait été arrêté au lendemain de la réélection du président Talon.
La même cour avait condamné en 2018 puis en 2020 par contumace Sébastien Ajavon, important opposant arrivé troisième lors de la précédente présidentielle, à 25 ans de prison au total pour trafic de drogue et "faux, usage de faux et escroquerie".
A l'image de la majorité des figures de l'opposition au Bénin, il vit désormais en exil.
Patrice Talon, richissime homme d'affaires ayant fait fortune dans le coton, élu une première fois en 2015, est accusé d'avoir engagé le Bénin dans un tournant autoritaire au nom du "développement de son pays".