«Nous avons tous deux admis que nos deux pays ont de nombreux éléments de collaboration sur lesquels travailler pacifiquement», a indiqué le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed dans un tweet accompagné de photos le montrant discutant attablé avec le général Abdel Fattah al-Burhane, homme fort du Soudan depuis un putsch en octobre, tous deux souriants.
«Nos liens communs surpassent quelconque différend. Nous nous sommes tous deux engagés au dialogue et à la résolution pacifique des questions en suspens», ajoute-t-il.
A Khartoum, le Conseil souverain, autorité de transition présidée par le général Burhane, a simplement fait état d'une «réunion à huis-clos» entre les deux hommes, sans autre détail.
Selon le cabinet du Premier ministre éthiopien, la rencontre s'est déroulée «en marge de la réunion de l'Igad» (Autorité Intergouvernementale pour le Développement) qui a réuni mardi - pour la première fois depuis 18 mois - les dirigeants des pays de la région dans la capitale kényane.
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La réunion de l'Igad «a fourni l'opportunité de faire l'inventaire des réponses aux divers défis» que rencontre la région, a déclaré le général Burhane, sans autre détail.
«La paix et la sécurité sont le socle du développement de la région», a-t-il ajouté.
«Escalade» militaire
Fin juin, l'armée soudanaise - commandée par le général Burhane - a accusé l'armée éthiopienne d'avoir exécuté sept de ses soldats et un civil capturés en territoire soudanais, dans la zone frontalière contestée d'Al-Fashaga.
Les autorités éthiopiennes ont démenti, accusant au contraire les forces soudanaises d'avoir pénétré en territoire éthiopien et provoqué un accrochage - mortel dans les deux camps - avec une milice locale.
Le ton était monté avant que Abiy n'appelle son pays et le Soudan «à garder leurs nerfs».
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La zone fertile d'Al-Fashaga est l'objet d'un contentieux depuis plusieurs décennies, mais les accrochages parfois meurtriers s'y sont multipliés depuis fin 2020, et ce nouvel épisode de tension avait suscité l'inquiétude.
L'Union africaine et l'Igad s'étaient notamment dites préoccupées par «l'escalade» militaire à la frontière entre ces deux puissances régionales.
Cette crise frontalière s'ajoute au grave différend à propos du Gerd, le Grand barrage de la Renaissance éthiopienne qu'Addis Abeba a construit sur le Nil-Bleu et qui suscite la colère du Soudan, mais aussi de l'Egypte, riverains du Nil en aval qui craignent pour leur approvisionnement en eau.
L'Ethiopie doit entamer en août le troisième remplissage du barrage, une source potentielle de nouvelles tensions avec son voisin.
Sécheresse inédite
Confronté depuis son putsch à une contestation populaire qui a semblé retrouver un nouveau souffle ces derniers jours, le général Burhane - président en exercice de l'Igad - s'est rendu à Nairobi un jour après avoir annoncé à Khartoum vouloir laisser place à un gouvernement civil.
Mais mardi, le principal bloc civil du Soudan a rejeté sa proposition, dénonçant un «retrait tactique» destiné à maintenir l'influence de l'armée dans le pays et a appelé à poursuivre la mobilisation, au sixième jour de sit-in antiputsch à Khartoum et ses banlieues.
Au côté de l'ONU et l'UA, l'Igad parraine le dialogue national ouvert mi-juin pour sortir le pays de l'impasse mais que boycottent les principaux acteurs politiques civils.
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Mardi, dans sa déclaration finale, l'Igad s'est dite reconnaissante des «pas positifs faits par le gouvernement du Soudan» en vue de trouver «une solution durable à la situation politique dans le pays».
Outre Abiy et le général Burhane, le sommet de l'Igad a réuni les présidents kényan Uhuru Kenyatta et djiboutien Ismail Omar Guelleh. Soudan du Sud, Somalie et Ouganda étaient représentés respectivement par leur vice-président, vice-Premier ministre et ministre de la Défense.
Les dirigeants de la région ont discuté paix et sécurité mais aussi de la sécheresse inédite par sa durée qui ravage actuellement la Corne de l'Afrique, provoquant une grave crise alimentaire.
«Nous devons urgemment faire face à la sécheresse, avant qu'elle ne devienne un multiplicateur de problèmes», a averti le président Kenyatta.
Les dirigeants ont fait voeu de «chercher des solutions permanentes au défi chronique de la sécheresse et de l'insécurité alimentaire qui rongent la région» et ont appelé les donateurs à «augmenter l'aide humanitaire», selon la déclaration finale.