RDC: «Plus de couleurs » en croisade contre la discrimination des albinos

DiaporamaVictimes de discriminations, les albinos de Kinshasa ont entrepris, depuis juin 2015, de défendre leurs droits. «Fièrement ndundu!» (Fièrement albinos), tel est le cri de la campagne pilotée par l’association "Plus de couleurs". Rencontre.

Le 12/06/2017 à 13h17, mis à jour le 12/06/2017 à 13h19

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Les albinos sont victimes de discriminations partout en Afrique. A Kinshasa, mégapole de près de 15 millions d’habitants, ils ne sont pas démembrés dans le cadre de rituels censés apporter richesse et pouvoir, comme cela arrive dans l’est de la RD Congo (Burundi, Tanzanie, Kenya, etc.). Néanmoins, ils sont tous les jours la cible de vexations, d'insultes et parfois de violences physiques. Tout cela à cause de la mutation d’un gène qui prive leurs peaux, leurs yeux et leurs cheveux de mélanine, protection essentielle contre le soleil.

Diverses croyances dominent l’imaginaire populaire à propos des ‘‘ndundu’’ (lire ndoundou, c’est-à-dire albinos en lingala, langue la plus répandue de la RD Congo). Alors que certains sont convaincus que les albinos ne meurent jamais, mais disparaissent à la fin de leur vie, d’autres à l’école, à l’université, dans le bus, et même à l’église, refusent carrément de s’asseoir à côté d’un ndundu. Quant aux mères qui enfantent des albinos, il arrive qu’elles soient blâmées, voire répudiées. Et les jeunes enfants qui aperçoivent un albinos s'empressent de cracher sur leurs poitrines pour «éviter que leurs génitrices donnent naissance un jour à des albinos dans leur famille».

Pour lutter contre toutes ces idées reçues et tant d’autres préjugés négatifs, Yan Mambo alias «Ours blanc», opérateur culturel et réalisateur de clips vidéos, coordonne depuis deux ans la campagne «Plus de couleurs» ainsi que le festival «Fièrement Ndundu» pour la promotion des compétences des albinos.

En effet, depuis le 13 juin 2015, date du lancement de la première journée mondiale de l’albinisme, ce Kinois pur sang, détenteur d’un diplôme universitaire en droit, mais passionné par la vidéo, informe l’opinion publique sur les conditions de vie des albinos, tant au Congo qu’ailleurs. Il a piloté, tour à tour, des campagnes («Faites un câlin à l’albinos le plus proche et publiez sur des réseaux sociaux»); organisé des marches populaires, des défilés de mode, des concerts; et mobilisé des stars de la musique (Fally Ipupa, Werrason, Papa Wemba, Bourro Mpela, le rappeur Lexxus Légal, etc.) dans la lutte contre les discriminations raciales.

Pour cette 3e édition du festival «Fièrement ndundu» 2017, avec le concours de l’ambassadrice Gloire Mandefu, une autre albinos, Yan Mambo tient à mobiliser des fonds pour la matérialisation d’un Albishop qui aiderait plusieurs albinos congolais à acheter facilement et à moindre coût leurs produits curatifs.

«Pauvres, car difficilement employés, les albinos vivent généralement des dons trimestriels ou semestriels de la part des structures militantes. Mais la canicule qui règne dans ce pays ne permet pas à un albinos d’attendre tout ce temps pour se protéger. Par ailleurs, les produits en vente dans cette ville ou dans ce pays sont extrêmement rares et coûteux. En ce qui me concerne, je dépense 160 dollars par mois pour mes produits (une lotion pour 2 semaines revient à 80 dollars). Posez-vous la question de savoir comment ferait l’albinos moyen, vivant dans une famille démunie. Le prix d’une lotion représente le salaire mensuel du père d’un albinos», explique ce militant, convaincu qu’un Albishop remédierait aux problèmes particuliers des albinos et les aiderait à se prémunir contre le cancer de la peau.

Son rêve, répète-t-il sans cesse, c’est de voir émerger une «élite ndundue». «J’espère aussi voir percer un grand politicien albinos, comme au Congo voisin où Thierry Moungala a été nommé ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement», révèle-t-il à le360 Afrique, tout en martelant que sa démarche n’a rien de politique.

Quant au sens de son organisation, il explique que l’expression "Plus de couleurs" désigne un monde plus coloré, plus uni. «Le monde est une mosaïque où les gens diffèrent par leurs couleurs de peau, leurs religions, mais ces différences ne doivent pas nous séparer. L’objectif est de lutter pour l’égalité raciale et la défense des minorités».

Par Tshieke Bukasa (Kinshasa, correspondance)
Le 12/06/2017 à 13h17, mis à jour le 12/06/2017 à 13h19