Nigeria: les fonctionnaires en guerre contre les salaires impayés

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Le 13/09/2017 à 18h10

Kenneth Madiebo ne cherche pas une reconnaissance mondiale pour avoir contribué à stopper la propagation d'Ebola au Nigeria en 2014: il veut juste être payé.

Près de trois ans après l'épidémie, le Dr Madiebo et six de ses confrères intentent un procès au gouvernement pour réclamer ce qu'ils considèrent leur dû : 36 ​​mois d'arriérés de salaires équivalant à près de 375.000 euros.

Lui qui a accueilli les patients infectés au centre des opérations d'urgence d'Ebola à Lagos, ne comprend pas comment les choses ont pu en arriver là. "Nous sommes tous d'accord pour dire que nous avons très bien fait notre boulot. Nous avons tout géré", affirme ce spécialiste de la santé publique à l'AFP.

Son cas n'est pas isolé: les conflits sociaux se multiplient dans le secteur public.

Le personnel de plusieurs dizaines d'universités étatiques et fédérales s'est mis en grève mi-août pour le non-paiement d'indemnités remontant à 2009. Les médecins des hôpitaux publics attendent leurs salaires impayés depuis 2013.

En 2015, les salaires des fonctionnaires (tous secteurs confondus) dans 30 Etats sur 36 n'étaient pas à jour, alors que le géant économique ouest-africain plongeait vers la récession après la chute des cours mondiaux du baril de brut.

Le ministère des Finances a déclaré en juin que 12 administrations locales devaient encore de l'argent à leur personnel (un à neuf mois de salaire), malgré les opérations de renflouement du gouvernement à hauteur de 760 milliards de naira (1,7 milliard d'euros).

Alors que le Nigeria a finalement renoué avec la croissance, le président Muhammadu Buhari dénonce les administrations précédentes et les gouverneurs des Etats pour leur mauvaise gestion. "Il y a des Nigérians qui n'ont pas été payés pendant six mois. Il y a des Nigérians qui n'ont pas reçu leurs pensions de retraite depuis des années", a-t-il reconnu.

Services publics en ruines

D'après Dela Dada, spécialiste du droit du travail, "beaucoup de travailleurs ne connaissent pas leurs droits" au Nigeria. "Cela explique que les employeurs, qu'ils soient publics ou privés, refusent souvent (de payer) les salaires sans avoir à rendre de comptes", at-il ajouté.

Au lieu de faire grève, les travailleurs non rémunérés devraient poursuivre leurs employeurs pour violation de leur contrat et de la convention de l'Organisation internationale du travail, estime-t-il.

Mais, vu le taux de chômage - officiellement plus de 14%, sans tenir compte des emplois informels - les employeurs savent que peu de mécontents oseront les traduire en justice.

Après des décennies de négligence, les services publics nigérians sont en ruines avec des situations de sous-effectifs aux conséquences dramatiques dans des secteurs comme l'éducation et les soins de santé. Selon des militants anticorruption les fonctionnaires pourront difficilement résister aux pots-de-vin.

"Tout le monde veut contribuer" au développement du pays, affirme le docteur Madiebo. "Mais il y a beaucoup de gens qui ont perdu espoir de faire partie du système."

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 13/09/2017 à 18h10