Morgue, exposition du corps au funérarium, inhumation, accueil du clan élargi: la facture peut s'élever jusqu'à 2.500 dollars dans la capitale de la République démocratique du Congo, où un employé de supermarché touche entre 100 et 150 dollars par mois, 200 dollars en moyenne pour un fonctionnaire.
La famille de José Fataki porte le deuil de son parent, tué en marge de la marche des catholiques du 31 décembre 2017 contre le pouvoir.
Les proches de ce modeste chauffeur de taxi-moto ont déboursé 620 dollars pour l'exposition du corps dans un funérarium, installé sous un chapiteau à côté d'une salle des fêtes, selon son neveu, Éric Fataki, avocat.
"La salle nous a coûté 520 dollars", confirme Martine Mujinga, sœur de Julie, décédée de maladie et dont le corps est exposé dans une salle voisine.
"Pour chaque corps exposé, l'État prélève 20 dollars", précise à l'AFP le gestionnaire de la salle dans la commune populaire de Matete.
Avec des centaines de deuils par jour, les salles de fêtes qui servent de funérarium représentent une activité prospère dans la capitale aux 10 millions d'habitants: "A Kinshasa, plus de 800 salles sont répertoriées", indique à l'AFP le ministre provincial des Finances, Guy Matondo.
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On y organise aussi des activités plus joyeuses: mariages, conférences, concerts.
Le parcours du combattant commence à la morgue. Benoît Kulube, fonctionnaire à la retraite, affirme avoir déboursé plus d'une centaine de dollars pour la conservation du corps de son fils de 17 ans, décédé en tout début d'année de l'épidémie de choléra qui touche Kinshasa.
C'est un cercle vicieux: le corps est conservé à la morgue, le temps que la famille réunisse de l'argent pour les obsèques, par exemple auprès de membres de la diaspora en Europe, si elle en a.
Pour embaumer le corps, une pratique en vogue à Kinshasa, Kulube a payé de surcroît 50 dollars, sans oublier l'achat d'habits neufs pour le défunt.
Proposer l'incinération
Vient ensuite le choix du cercueil, avec des entrées de gamme à 250 dollars, jusqu'à plus de 1.000 dollars.
Pour José Fataki, sa famille a acheté un cercueil de 700 dollars. "C'est grâce à l'assistance des autorités de la ville de Kinshasa, de l'église, des cotisations des membres de la famille", explique le neveu et avocat Éric.
Le coût du transport du corps de la morgue au funérarium, puis au cimetière, s'élève entre 100 et 500 dollars.
Le fonctionnaire à la retraite a préféré louer un véhicule ordinaire pour 22 dollars à la place d'un corbillard "hors de portée" de sa bourse.
Du funérarium au cimetière, les familles louent aussi des bus pour transporter les membres du clan et des amis.
Pendant la veillée mortuaire et les jours qui précèdent l'enterrement, voire après, la famille du défunt doit nourrir ses invités, ajoute M. Kulube, le fonctionnaire à la retraite.
L'enterrement n'est pas donné non plus: 150 dollars pour un espace au cimetière, 100 dollars aux fossoyeurs, plus une taxe obligatoire versée à la garde républicaine de 15.000 francs (10 dollars), récite le fonctionnaire à la retraite qui va inhumer son fils.
Les autorités de Kinshasa ont fait savoir qu'elles avaient distribué des aides aux familles des 44 personnes mortes dans les inondations du 4 janvier. On évoque la somme de 2.000 dollars par personne dans l'entourage du gouverneur de Kinshasa.
Interrogé par l'AFP, un spécialiste de l'histoire des mentalités, le député Zacharie Bababaswe, estime qu'il est temps "d'engager une réflexion approfondie" face à une culture traditionnelle du peuple Kongo, tribu du sud-ouest de la RDC, qui consiste "à économiser de l'argent pour des obsèques en fanfare plutôt que de cotiser pour des soins médicaux".
Il propose que la réflexion aille jusqu'à "proposer l'incinération" des corps, moins coûteuse, "bien que cela risque de choquer de nombreux Congolais".