Le nord du Burkina Faso échappe à l'Etat, selon des analystes

L'école primaire publique de kéra dans la commune rurale de Bassi province du Zondoma (nord du burkina faso) a été fermée, à l'instar d'autres écoles de la localité.

L'école primaire publique de kéra dans la commune rurale de Bassi province du Zondoma (nord du burkina faso) a été fermée, à l'instar d'autres écoles de la localité.

Le 29/04/2018 à 16h41, mis à jour le 29/04/2018 à 17h04

Des assassinats ciblés qui se multiplient, plus de 200 écoles et un tribunal fermés pour "raison de sécurité": le nord du Burkina Faso, en proie à des attaques djihadistes récurrentes depuis trois ans, est en passe d’échapper à l’Etat, craignent des analystes.

"Après la fermeture des écoles, des mairies, c’est au tour des palais de justice. Avons-nous perdu le Nord et le Sahel de notre pays?", s'interroge un responsable du parti d'opposition Union pour le Progrès et le Changement, Kouliga Nikiema. Quelque 20.000 élèves et 800 enseignants sont privés d'école. Mi-avril, un maître d'école a été kidnappé parce qu'il "parlait français aux élèves", selon le groupe jihadiste Etat islamique dans le grand Sahara qui a revendiqué l'enlèvement.

Mercredi dernier, le tribunal de Djibo, chef-lieu de la province du Soum, frontalière du Mali, a été fermé "jusqu’à nouvel ordre" pour "raisons de sécurité", le personnel craignant des représailles jihadistes. "Il est évident que la souveraineté nationale est profondément ébranlée par cette fermeture", souligne M. Nikiema. "La population de Djibo peut voir dans cette fermeture un abandon de l’Etat central".

Longtemps épargné par les groupes armés actifs au Sahel, le Burkina Faso est confronté depuis mars 2015 à des attaques de plus en plus fréquentes et meurtrières visant la partie nord du pays. Un bilan officiel fait état de 133 morts dans 80 attaques dans cette région. A quoi s'ajoutent trois attaques jihadistes qui ont frappé la capitale, Ouagadougou, en deux ans, dont la dernière en mars, qui ont fait au total près de 60 morts.

"Que ce soit les enlèvements de fonctionnaires ou d'élus locaux, les assassinats ciblés, l’utilisation d’engins explosifs et les incursions de jihadistes dans les écoles, les marchés, tout porte à croire que la région du Sahel burkinabè est sérieusement menacée", estime Karamoko Traoré, expert en sécurité. Au printemps 2017, le renforcement de la présence militaire dans le Nord et les opérations conjointes menées avec le Mali et les forces françaises de l’opération Barkhane avaient permis à l’armée burkinabè de reprendre l’ascendant et de rassurer les populations.

La semaine passée, des opérations de ratissage ont permis d'interpeller une centaine de personnes et de neutraliser des engins explosifs, selon l'état-major.

- Des forces de l’ordre 'impuissantes' -

Mais "malgré de nombreux efforts, le manque d’effectifs et de moyens militaires conséquents entraînent un risque grandissant de perdre cette région ou de la voir devenir un no man’s land", souligne M. Traoré. "Sept des neuf départements de la province du Soum ont déjà été touchés par des attaques terroristes, contraignant des populations de ces localités à s’enfuir", note Souleymane Ouédraogo, activiste et analyste politique.

Selon la Croix-Rouge, plus de 5.000 personnes ont dû quitter leurs foyers de la province du Soum pour rejoindre des localités plus au sud, depuis janvier. Un chiffre "minimisé" selon M. Ouédraogo, qui estime les déplacés à "14.000 ou 15.000". "Les villages se vident peu à peu et ceux qui y restent sont constamment menacés par les combattants d'Ansarul Islam, qui font la navette avec le Mali", pays avec lequel le Burkina partage une frontière de plus de 1.000 kilomètres, affirme-t-il.

Fondé par le Burkinabè Malam Dicko, le groupe islamiste Ansarul Islam a revendiqué de nombreuses attaques contre l'armée burkinabè, dont la plus sanglante avait tué 12 soldats en décembre 2016. Fin février, les Etats-Unis ont placé ce groupe sur leur liste noire "terroriste".

"Les forces de l’ordre paraissent impuissantes devant des combattants prêts à mourir", estime Karamoko Traoré, évoquant l’assassinat mercredi dernier de trois personnes, dont un chef traditionnel. Fin 2017, le ministre de la Défense, Jean-Claude Bouda, promettait pourtant : "Le Burkina ne cédera pas un centimètre de son territoire (…), on va se défendre bec et ongles pour sauver notre pays".

La semaine dernière, le gouvernement burkinabè a promis de "mobiliser plus de ressources pour renforcer la sécurité et permettre une réouverture progressive des écoles fermées dans la région", sans donner de détails. Le gouvernement avait lancé en juin 2017 un programme d'urgence sur trois ans doté de 455 milliards de francs CFA (700 millions d'euros) pour améliorer la sécurité, l'éducation, la santé et l'approvisionnement en eau potable dans la région burkinabè du Sahel.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 29/04/2018 à 16h41, mis à jour le 29/04/2018 à 17h04