2015. Melissa Bime travaille dans un hôpital du Cameroun. A 18 ans, la jeune diplômée en soins infirmiers est témoin d’un événement tragique: le décès d’une fillette de 5 ans atteinte de paludisme. Hospitalisée, la petite Rita a rendu l’âme à cause d’une anémie causée par la maladie, faute de sang disponible pour une transfusion qui lui aurait sauvé la vie.
Pourtant, du sang compatible était disponible dans un établissement sanitaire voisin. Mais cela, personne ne le savait à l’hôpital où travaillait Melissa. «Voir une petite fille mourir parce que l'hôpital ne pouvait pas s'approvisionner en sang dans un établissement voisin m'a mise en colère. Je ne pouvais pas continuer à travailler comme infirmière, je ne voulais pas faire partie d'un système où je devais simplement regarder ces cas» sans rien pouvoir faire, confie la jeune fille.
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Comment remédier au problème de l’absence ou de l’insuffisance de sang de qualité, à l’origine de nombreux décès, souvent évitables, dans les hôpitaux camerounais? Melissa semble avoir trouvé la solution.
Elle fonde Infiuss, une plateforme de chaîne d'approvisionnement numérique qui permet aux hôpitaux d'accéder à du sang prêt à l'emploi. Cette plateforme fonctionne comme une banque de sang collectant et catégorisant les réserves de sang, mais aussi comme une base de données de tous les types de sang disponibles dans divers hôpitaux.
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En cas d'urgence, un hôpital appellera ou enverra un message à Infiuss, qui vérifiera où le sang nécessaire est disponible via la plateforme numérisée, organisera la collecte de sang et coordonnera la livraison par motocyclette, apprend-on. La mise en place de cette plateforme ne s’est pourtant pas faite sans difficulté.
«Au Cameroun, le sang est souvent considéré comme un tabou. Nous avons dû passer beaucoup de temps à convaincre les donneurs potentiels que le sang qu'ils donnaient ne serait pas utilisé pour faire de la magie, mais pour sauver des vies», explique Melissa, qui n’a pas pu compter sur le soutien de sa famille et a dû faire faire face aux stéréotypes liés à son statut de femme.
Grâce à Infiuss, la jeune Camerounaise de 21 ans a remporté le Prix de l’Initiative féminine Cartier 2018 (Cartier Women’s Initiative Awards) pour l’Afrique subsaharienne, qui s’accompagne notamment d’une enveloppe de 100.000 dollars (plus de 50 millions de francs CFA).
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Ce concours international organisé par la marque de luxe française Cartier récompense chaque année des femmes entrepreneures dans le monde. En trois ans d’existence, Infiuss a transporté plus de 230 litres de sang via 6 hôpitaux. Ce nombre va augmenter à mesure que le partenariat s'élargira à «908 hôpitaux à travers le Cameroun dans un proche avenir».
Aujourd’hui plus que jamais, Melissa est déterminée à mener à bien son entreprise. «Si la suspension des services internet (du 17 janvier au 20 avril 2017 dans les régions anglophones, en proie à une crise sans précédent, NDLR) n'a pas tué mon entreprise, rien ne peut m'arrêter», clame la jeune femme.