Cameroun: la construction d’un monument célébrant un héros national oppose deux communautés

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Le 28/05/2018 à 15h37

La stèle à la mémoire de Ruben Um Nyobè à Douala a été détruite le week-end dernier par des chefs traditionnels du canton Bell. Il n’en fallait pas plus pour faire monter la tension entre communautés, alors que les autorités prônent le vivre-ensemble entre les différentes tribus.

La tension a grimpé d’un cran entre les communautés Douala et Bassa le week-end dernier dans la métropole économique du pays, Douala, du nom de ce peuple autochtone. L’objet de la discorde: la construction d’un monument en la mémoire de Ruben Um Nyobè, mort assassiné par l'armée française le 13 septembre 1958 alors qu'il menait une rébellion armée.

Ancienne figure de l’Union des populations du Cameroun (UPC) lors de la période de préindépendance du Cameroun, il est considéré comme un héros national pour son œuvre dans la lutte pour l’indépendance du pays. En mémoire de cette figure historique, la communauté urbaine de Douala a entamé récemment la construction d’un monument dans la ville, au lieu-dit «Mobil Njoh Njoh».

Le problème, c’est que ce lieu est situé en plein canton Bell, alors que Ruben Um Nyobè est de l’ethnie bassa. Aussi, les chefs traditionnels de ce canton, mécontents, ont-ils détruit le chantier devant accueillir la stèle de ce martyr de l’indépendance du Cameroun. Ceux-ci justifient cette action par le fait de n’avoir pas été consultés par la municipalité avant la construction de l’ouvrage.

Par ailleurs, les chefs de ce canton auraient préféré que l’on honore d’abord les héros de leur tribu, à l’instar de Duala Manga Bell qui s’était rebellé contre les colons allemands. Mais, selon eux, la communauté urbaine n’a jamais répondu favorablement à leur demande, rapporte la presse locale. Aussi, ont-ils considéré la construction du monument Um Nyobè comme une «provocation», après cette décision «unilatérale».

Ce geste a quelque peu fait grimper la tension du côté des Bassa, qui sont aussi un peuple autochtone de la ville. Du reste, dans l’opinion, l’on reproche aux chefs du canton Bell un certain repli identitaire. Ce, alors même que dans un contexte de crise dite anglophone, le gouvernement insiste sur la notion de vivre-ensemble harmonieux entre les communautés dans le pays, caractérisé par une forte diversité linguistique et tribale.

Pour le moment, le chantier de la discorde est à l’arrêt, en attendant la suite que la municipalité va lui donner. Les autorités appellent cependant au calme afin de ne pas jeter de l’huile sur le feu et créer une opposition ouverte entre les deux communautés.

Par Tricia Bell (Yaounde, correspondance)
Le 28/05/2018 à 15h37