Les jurés du Prix Nobel de la Paix ont attribué ce vendredi 5 octobre 2018 à Stockholm le Nobel de la Paix au docteur Denis Mukwege et à la militante irakienne yézidie rescapée du groupe Etat islamique Nadia Murad, récompensant «leurs efforts pour mettre fin à l’usage de la violence sexuelle comme une arme de guerre».
Né le 1er mars 1955 à Bukavu dans le sud-Kivu, en République démocratique du Congo (RDC), Denis Mukwege est un médecin gynécologue, mais aussi un militant des droits de l’homme en RDC.
Formé en médecine dans un pays voisin, le Burundi, Denis Mukwege s’est spécialisé en gynécologie à Anvers, en Belgique. Il a entamé sa carrière professionnelle en France avant de rentrer dans son pays natal qui sombrait alors dans la guerre civile.
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En 1999, il monte sa clinique, Panzi, à Bukavu. Au départ, il voulait en faire un centre de l’obstétrique classique: accouchement, césariennes... «En France, je n’avais jamais vu une femme mourir en donnant la vie. Je me suis dit que chez moi, où ça arrivait tous les jours, je pourrais être utile en offrant de meilleures conditions d’accouchement».
Seulement, il s’est retrouvé rapidement à soigner des femmes et des filles violées par les milices de la région. Sa clinique est devenue un centre de refuge pour ces femmes détruites par les viols dans une région où cet acte est considéré comme une «véritable stratégie de guerre». Plus de 50.000 femmes sont ainsi passées à Panzi, rapidement devenu un hôpital.
Pour lui, «en RDC, le viol est une arme de destruction massive». Il dénonce cette destruction systématique de la femme en apostrophant Boko Haram au Nigeria et l’Etat islamique au Moyen-Orient qui s’en prennent aux femmes, à l’instar des milices de la RDC.
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Depuis 20 ans, le médecin congolais soigne, au péril de sa vie, les femmes victimes de viols et de mutilations commis à grande échelle par des groupes armés qui continuent à se disputer la région du Kivu et ses minerais. Il a consacré sa vie à réparer le corps et à reconstruire la vie de dizaines de milliers de femmes et de jeunes filles congolaises victimes de viols collectifs et de violences sexuelles. D’où son surnom, «L’Homme qui répare les femmes».
Seulement, aussi noble soit son mission, le médecin dérange les barons de la région du Kivu mais aussi la hiérarchie militaire et les autorités de l’une des régions les plus riches en ressource minières du Congo, qui échappe au contrôle du pouvoir central.
Ce médecin a ainsi échappé à pas moins de six attentats, ce qui fait du pasteur chrétien évangélique un miraculé. En octobre 2012, peu après un discours aux Nations Unis, Mukwege a dû s’exiler en Belgique avec ses 5 enfants après une nouvelle tentative d'assassinat. L’arme d’un de ses assaillants sur la tempe, le médecin n’a pu s’en tirer de justesse que grâce à l’un de ses gardes du corps, qui, lui, y a laissé la vie.
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Malgré ces menaces sur sa vie, il est revenu peu après en RDC, où il est considéré comme «le Messie des femmes». «Se décourager, ce serait donner raison aux bourreaux», se justifie t-il.
Depuis, il refuse de quitter les femmes et les enfants violentés et vit sous haute surveillance après de nouvelles menaces d’assassinats par les barrons de la région du Kivu.
Denis Mukwege est lauréat de plusieurs prix. En 2014, il s’est vu décerner le prestigieux prix Sakharov, remis par le président du Parlement européen en session plénière à Strasbourg.
Cet homme, qui a consacré sa vie à une lutte qu’il considère "comme noble", vient de se voir décerner le Nobel de la Paix qui récompense son parcours extraordinaire, celui d’un homme de paix et de vérité, un héros au courage d’acier.