Banque mondiale: Les mariages précoces causent des dizaines de milliards de dollars de pertes au continent

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Le 22/11/2018 à 11h51, mis à jour le 22/11/2018 à 11h52

Le continent africain perd chaque année plusieurs dizaines de milliards de dollars du fait du mariage précoce des jeunes filles, selon un rapport de la Banque Mondiale. Explications.

Le mariage précoce des filles est un sujet de vive préoccupation, qui fait perdre à l’Afrique subsaharienne plusieurs milliards de dollars chaque année, selon un rapport de la Banque Mondiale (BM), intitulé: «éduquer les filles et mettre fin au mariage des enfants: une priorité pour l’Afrique», publié ce mercredi 21 novembre.

S’adressant à une réunion du deuxième sommet de la Commission de l’Union Africaine(UA), dont les assises sont prévues cette semaine au Ghana, le rapport signale que «la pratique du mariage d’enfants coûtera des dizaines de milliards de dollars aux pays africains».

Chiffres à l’appui, le rapport met en évidence un fléau qui touche une large catégorie de personnes en Afrique.

«Plus de 3 millions de filles se marient encore avant leur 18e anniversaire en Afrique subsaharienne. Il s’agit du continent ou la prévalence de mariage d’enfants est la plus élevée, surtout chez les filles. Or, les filles qui se marient avant l’âge de 18 ans sont beaucoup plus susceptibles d’abandonner leurs études et ont un niveau d’instruction plus faible que celles qui se marient plus tard. Elles ont également plus de chances de tomber enceintes et d’avoir des enfants très tôt, mettant ainsi en danger leur santé et la santé de leurs enfants», indique ce rapport. 

Dans ce contexte, la véritable équation de fond est liée à la déperdition scolaire. En effet «de nombreux pays africains ont atteint la parité entre les deux sexes dans l’enseignement primaire». Mais, le rapport souligne que «les filles sont à la traîne par rapport aux garçons au niveau secondaire. En Afrique subsaharienne, sept filles sur dix achèvent leurs études primaires, mais seulement quatre sur dix terminent le premier cycle secondaire».

Or, en moyenne, les filles qui ont fait des études secondaires ont plus de chances de travailler et de gagner deux fois mieux leur vie que celles qui n’ont pas fait d’études. Le fait d'avoir poursuivi des études contribue fortement à l'indépendance des filles.

Après avoir analysé les cas de 12 pays d’Afrique subsaharienne et du Maghreb, qui abritent la moitié de la population du continent africain, le rapport estime que «les mariages d’enfants représentent un manque à gagner de 63 milliards de dollars en matière de revenus et de capital humain, suite à un impact négatif sur l’éducation des filles».

Partant, Quenton Wodon, économiste en chef de la Banque Mondiale et auteur de cette étude, estime que «l’enseignement primaire pour les filles n’est pas suffisant. Elles retirent le plus de bénéfices de l’éducation lorsqu’elles sont capables de terminer leurs études secondaires, malheureusement très souvent, elles ne restent pas à l’école et se marient très tôt. Les mariages d’enfants entrainent également un taux de fécondité élevé et une croissance démographique plus forte. Si on mettait un terme aujourd’hui à cette pratique, la croissance démographique diminuerait. Cela entraînerait une amélioration des niveaux de vie, en particulier pour les plus pauvres».

Le document soutient par ailleurs que «l’un des moyens les plus sûrs d’éviter le mariage des enfants est de scolariser les filles et les maintenir le plus longtemps possible à l’école. Chaque année d’études réduit au moins de 5 points les pourcentages de risques de se marier avant l’âge de 18 ans», soutient Quentin Wodon. 

Le document de la Banque Mondiale décrit également l’impact du mariage des enfants et de l’éducation des filles sur une quarantaine d’autres indicateurs: «risques de violence conjugale, réduction de la capacité des femmes à prendre des décisions au sein du ménage, risques élevées de mortalité, retard de croissance, etc.».

Bref, les mariages précoces sont un véritable fléau, qui explique grandement une partie du retard du développement économique du continent. Mais rares sont les pays qui ont réellement mis en place des politiques viables afin de bannir définitivement ces pratiques.

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 22/11/2018 à 11h51, mis à jour le 22/11/2018 à 11h52