Afrique. Comment éviter ce drame récurrent de l'explosion d'un camion-citerne ...et sauver des vies?

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Le 19/08/2019 à 14h10, mis à jour le 19/08/2019 à 15h23

Les explosions de camion-citernes sont un drame courant des pays d'Afrique. A chaque fois, des morts violentes par dizaines, et des blessés à vie. A chaque fois, le même scénario se répète et la mécanique macabre est la même. Pourquoi tant d'accidents? Et à qui la faute?

Dimanche 18 août dernier, une nouvelle explosion d’un camion-citerne a endeuillé l’Ouganda et fait plus de 20 morts, selon un premier bilan qui devrait encore s’alourdir. 

Ce drame intervient alors que plusieurs accidents similaires ont eu lieu un peu partout en Afrique subsaharienne au cours de ces dernières semaines.

En Tanzanie, une semaine avant l’explosion du camion-citerne en Ouganda, un camion-citerne a explosé dans la ville de Morogoro, à 200 km de la capitale Dar Essalam. Bilan: 85 morts, et ce bilan macabre n’est pas encore définitif, du fait qu’on recense encore de nombreux blessés qui se trouvent actuellement dans un état grave. 

Ll’explosion de Tanzanie s’est produite quand une personne a tenté d’arracher la batterie du camion-citerne accidenté, ce qui a provoqué l’embrasement du carburant, puis du véhicule.

Les victimes sont des conducteurs de moto-taxis et des badauds venus siphonner le carburant qui s‘écoulait d’un poids-lourd accidenté alors qu’il tentait d‘éviter une moto, selon des témoins.

Un homme, qui tentait quant à lui d’arracher la batterie du véhicule, est à l’origine de l’embrasement du carburant répandu au sol, selon les dires du gouverneur de Morogoro.

«Ceci doit nous laisser une leçon: quand il y a un accident de ce genre, nous devons nous tenir à l‘écart et laisser les secours faire leur travail», a plaidé un pasteur de l’Eglise pentecôtiste des Assemblées de Dieu, lors de la cérémonie d’enterrement des victimes. Le pasteur a suggéré aux autorités de «sensibiliser l’opinion en ce sens».

Ces accidents ne sont pas des cas isolés. Début juillet dernier, dans le centre du Nigeria, au moins 45 personnes sont mortes et plus de 100 ont été blessées lors du pillage par la population d’un camion-citerne accidenté qui avait explosé.

La citerne du véhicule avait pris feu lorsqu’un autocar chargé de passagers avait tenté de passer, alors que son pot d‘échappement, en raclant le sol, avait provoqué des étincelles qui avaient enflammé le carburant.

Quelques mois auparavant, en mai dernier, un camion-citerne transportant de l’essence a explosé à quelques centaines de mètres de l’aéroport international de Niamey.

Le bilan fait état de plus de 55 morts et 36 blessés. Le camion-citerne s’est renversé sur les voies du chemin de fer et des badauds ont tenté de récupérer l’essence qui s'écoulait quand l’explosion s’est produite. Parmi les victimes, figurent de nombreux motocyclistes venus siphonner l’essence du camion.

L'an dernier, en octobre 2018, en République Démocratique du Congo, plus de 50 personnes sont mortes lors de l’explosion d’un camion-citerne. Le drame est similaire à ceux décrits précédemment: plusieurs personnes s’étaient alors précipitées pour siphonner de l’essence.

Deux ans auparavant, en 2016, au Mozambique, l’explosion d’un camion-citerne avait fait plus de 93 morts parmi des personnes qui tentaient de siphonner le carburant d'un camion. Cette explosion avait également fait de nombreux blessés.

En 2015, au Soudan du Sud, à Maridi, à près de 300 km à l’ouest de Juba, une catastrophe similaire s'était soldée par le lourd bilan d'au moins 203 morts.

Et cinq ans plus tôt, en 2010, ce sont 292 personnes qui avaient perdu la vie dans l’explosion d’un camion-citerne à Sange, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).

Pourquoi autant d’accidents et autant de victimes dans l'explosion de camions-citernes?

Les causes sont multiples et les responsabilités sont partagées entre conducteurs et employés, autorités et citoyens.

Les propriétaires des camions-citernes et leurs chauffeurs sont souvent les premiers responsables de ces accidents.

D’abord, le matériel disponible pour le transport des produits dangereux et inflammables ne répond pas aux normes requises.

De plus, il s’agit surtout de matériel vétuste et non entretenu.

En outre, les chauffeurs ne respectent pas les temps repos nécessaires et se retrouvent souvent fatiguées par de longs trajets sur des routes et des pistes difficilement praticables.

La fatigue qui en résulte induit donc le fait que les chauffeurs n’ont plus les reflexes nécessaires pour éviter certains accidents.

Les autorités sont, en outre, les premiers responsables de ces drames, du fait que souvent ces camions-citernes ne répondent pas aux normes de sécurité nécessaires au transport de produits inflammables.

Dans la plupart des pays d'Afrique, il s’agit souvent de véhicules vétustes qui ne bénéficient pas des contrôles nécessaires au transport de produits dangereux.

De plus, en cas d’accident, les autorités devraient se précipiter sur les lieux afin de mettre en place un périmètre de sécurité autour des camions et éviter ainsi que les badauds ne s’approchent des véhicules accidentés.

Cela n'a pas été le cas en RDC, ni en Tanzanie, ni au Nigeria, ni, du reste, dans aucun de ces pays où ces drames ont eu lieu. 

Concernant les citoyens, les premières victimes de ces accidents, ils s"agit, d'une part, de victimes "collatérales" des explosions. C'est notamment le cas des commerçants ougandais dont les boutiques ont pris feu juste après l’explosion; ou, d'autre part, il peut également s'agir de passagers de véhicules ayant pris feu suite à l'explosion des citernes remplies de liquide inflammable.

Toutefois, il faut aussi souligner que certains citoyens sont parfois à l’origine des drames humains lors de ces explosions.

C’est tout particulièrement le cas des explosions de camions-citernes qui se sont produits en RDC, au Nigeria et en Tanzanie, pour ne citer que ces cas-ci, où, en l'occurrence, ce sont des badauds qui sont responsables de leurs propre drame, pour s'être précipités sur les lieux de l’accident, pour siphonner les produits hautement inflammables contenus dans les citernes. 

Certains d'entre eux, pour n'avoir pris aucune précaution et avoir fait fi du danger qui les menaçait, sont donc bien souvent eux-mêmes à l’origine de ces explosions et de ces incendies.

En Tanzanie, le président John Magufuli s’est dit «très choqué que les gens se ruent sur des véhicules accidentés pour piller leur cargaison», et a ajouté: «arrêtons cette habitude, je vous prie».

Pour éviter ces explosions (et surtout les dizaines de morts qu’elles provoquent), il devient donc urgent que les autorités mettent en place, en priorité, des campagnes de sensibilisation pour plus de conscience des dangers encourus. 

Par Moussa Diop
Le 19/08/2019 à 14h10, mis à jour le 19/08/2019 à 15h23