Cameroun: les agents publics face à la violence grandissante des usagers

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Le 11/11/2019 à 10h10, mis à jour le 11/11/2019 à 10h55

Médecins, enseignants, etc., sont fréquemment agressés physiquement sur leur lieu de service par des usagers de plus en plus violents. Des cas qui devraient désormais faire l'objet de poursuites judiciaires.

Agressée par des usagers dans la nuit du 3 au 4 septembre 2019 en plein service de garde, le Dr Céline Koumou se remet petit à petit de son traumatisme. Cependant, ce fait divers, qui a défrayé la chronique, ne fait que mettre en pleine lumière un phénomène qui semble se banaliser dans le pays: la violence exercée par des usagers sur les agents publics dans l'exercice de leurs fonctions. Une tendance rappelée par l'Ordre national des médecins du Cameroun (ONMC).

Celui-ci, dans un communiqué, «note pour s'en inquiéter, la forte récurrence des actes d'agression sur la personne des médecins en exercice sur leurs lieux de travail».

Cependant, les médecins sont loin d'être les seuls agents publics victimes de tels actes d'agression. Les enseignants sont en effet l'une des cibles privilégiées de parents en colère. Presqu'en même temps que le médecin de l'hôpital d'Efoulan à Yaoundé, un professeur subissait les violences physiques d'un parent d'élève au lycée de Bonassama à Douala, la métropole économique.

Le parent, un gendarme, manifestait ainsi son ire après une punition infligée par le corps enseignant à sa progéniture, selon les informations relayées par les médias locaux.

Quelques semaines auparavant, c'est une enseignante de l'enseignement primaire à l'école publique du «Garage militaire» à Bafoussam, dans la région de l'Ouest, qui a été rouée de coups devant ses élèves par un parent. Sa faute: avoir puni un de ses élèves de CE2 pour des devoirs non faits.

L'infortunée a été admise aux urgences de l’hôpital. Souvent, les parents incriminés font partie des forces de maintien de l'ordre.

Un paradoxe. Des agissements récurrents qui ont poussé en novembre 2018, les élèves d'un lycée du Mayo-Oulo, dans la partie septentrionale du pays, à aller manifester leur mécontentement devant la brigade de gendarmerie de la localité, après des violences exercées dans l'établissement scolaire par le commandant de brigade, sur un surveillant général.

Du côté du corps médical, le ministre de la Santé publique, Manaouda Malachie a, dans un tweet, indiqué que de tels actes feraient désormais l'objet de poursuites judiciaires contre les auteurs de violences envers les médecins en service. Idem du côté de l'ONMC qui parle de «répression implacable».

Le Syndicat des médecins du Cameroun propose du reste sur le sujet, un accompagnement judiciaire pour les victimes qui souhaiteraient porter plainte contre des usagers violents. D'ailleurs, les agresseurs du Dr Céline Koumou ont été rapidement arrêtés et confiés à la justice.

D'un autre côté, certains dans le corps médical pensent que ces violences pourraient être une conséquence du concept d'humanisation des soins prôné ces derniers mois par le ministère de la Santé publique, ce qui, collatéralement, a semblé donné une mauvaise image au corps médical auprès du public. Aussi, les usagers débarquent-ils dans les hôpitaux en pensant avoir tous les droits.

Mais sur les réseaux sociaux, d'aucuns se plaignent du silence des ministères en charge des enseignements, alors que des enseignants sont de plus en plus sous pression, alors que la loi d'orientation scolaire au Cameroun stipule clairement que «L’État assure la protection de l'enseignant et garantit sa dignité dans l'exercice de ses fonctions».

Par Patricia Ngo Ngouem (Yaounde, correspondance)
Le 11/11/2019 à 10h10, mis à jour le 11/11/2019 à 10h55