Les 36 médias internationaux membres du consortium, parmi lesquels la BBC, le New York Times ou Le Monde, ont mobilisé 120 journalistes dans une vingtaine de pays pour exploiter une fuite de 715.000 documents et révéler "comment une armée de sociétés financières occidentales, d'avocats, de comptables, de fonctionnaires et de sociétés de gestion ont aidé" cette femme de 46 ans "à cacher des avoirs aux autorités fiscales".
Les "Luanda Leaks", du nom de la capitale de l'Angola, ont pu voir le jour grâce à une fuite de données orchestrée par un ou des anonymes depuis la société de gestion financière d'Isabel dos Santos basée au Portugal, "probablement issues d'un piratage informatique", selon Le Monde.
Celle qu'on surnomme la "princesse de Luanda" était déjà dans le radar de la justice de nombreux pays. L'enquête du ICIJ l'accable en révélant des détails inédits sur les montages financiers utilisés, ainsi que le nom des sociétés qui l'y ont aidée et les montants en jeu.
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La fille de José Eduardo dos Santos, qui dirigea l'Angola d'une main de fer pendant 38 ans (1979-2017), avait vu en décembre ses comptes bancaires et ses actifs dans des entreprises angolaises gelés.
La justice angolaise la soupçonne d'avoir détourné, avec son époux danois d'origine congolaise Sindika Dokolo, plus d'un milliard de dollars des comptes des entreprises publiques Sonangol (pétrole) et Endiama (diamant) pour nourrir ses propres affaires.
Isabel dos Santos avait été nommée en 2016 par son père à la tête de la société Sonangol.
Grâce à ce que Le Monde décrit comme une "nébuleuse composée de 400 sociétés identifiés dans 41 pays", Isabel dos Santos avait mis en place un véritable "schéma d'accaparement des richesses publiques".
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L'enquête de l'ICIJ révèle entre autres que des sociétés de conseil occidentales, telles que PwC et Boston Consulting Group, ont "apparemment ignoré les signaux d'alarme", en aidant la "Princesse de Luanda" à cacher des biens publics. L'investigation s'appuie sur des lettres censurées qui montrent comment de grands noms chez les consultants, tels que Boston Consulting ou KPMG, ont cherché à lui ouvrir des comptes bancaires non transparents.
Début janvier, la justice portugaise a elle aussi annoncé l'ouverture d'une enquête sur la femme d'affaires, qui détient des intérêts dans de nombreuses entreprises du pays, pour blanchiment d'argent public. "Monaco a fait de même récemment pour les mêmes motifs", selon Le Monde.
Celle qui est considérée par le magazine américain Forbes comme la femme la plus riche d'Afrique a elle-même dénoncé auprès de BBC Afrique une "chasse aux sorcières", destinée à les discréditer, elle et son père.
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Elle a également répliqué, via une trentaine de tweets en portugais et en anglais. Dans le premier, elle lance: "Ma +fortune+ est née de mon caractère, mon intelligence, éducation, capacité de travail, persévérance. Je continue aujourd'hui (dimanche) à voir avec tristesse le +racisme+ et les +préjugés+ de SIC-Expresso (la télévision et l'hebdomadaire portugais membres de l'ICIJ, ndlr), qui rappelle l'ère des +colonies+ dans laquelle aucun Africain ne valait un +Européen".
Elle s'attaque ensuite dans le détail au récit publié par les deux journalistes de ces médias en les accusant nommément de "mensonges" sur certains points de sa gestion à la tête de la Sonangol.
Mme Dos Santos estime aussi qu'il s'agit d'"+informations+ qu'ont fait fuiter les services secrets angolais pour manipuler l'ICIJ, au profit d'un agenda politique des autorités angolaises".
Son avocat a également réfuté les accusations de l'ICIJ, dénonçant auprès du journal britannique The Guardian une "attaque parfaitement coordonnée" par le dirigeant actuel de l'Angola, Joao Lourenço, qui s'est lancé dans une spectaculaire lutte anticorruption.