Depuis quelques jours, la Fédération camerounaise de karaté (Fecakaraté) est secouée par une crise institutionnelle due notamment aux cas de harcèlements sexuels révélés en son sein. Des problèmes de mœurs qui touchent les hautes sphères de la fédération et défraient la chronique depuis la publication du «Rapport sur les violences sexuelles dans le karaté au Cameroun» le 7 juillet 2020.
Une étude menée par le Cercle des ceintures noires de karaté du centre et dans laquelle des athlètes témoignent des harcèlements dont ils ont été victimes. «Les violences ont pris de l’ampleur dans le karaté camerounais parce que les victimes, n’ayant pas toujours conscience des droits qui sont les leurs, éprouvaient de la gêne à dénoncer leurs bourreaux et agresseurs parce que redoutant des représailles sans précédent de la part de ces derniers qui sont encore aux affaires», indiquent les auteurs.
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«Ces dernières semaines, un vent de révolte, sous forme d’un ras le bol, a soufflé sur le karaté camerounais donnant les coudées franches aux victimes et aux témoins d'actes de harcèlement et de violences sexuelles qui ont entrepris de s’exprimer sur les réseaux sociaux en dénonçant les auteurs. Ce qui semble augurer des lendemains radieux pour la discipline avec le retour du mérite comme critère primordial de sélection au sein des équipes nationales de karaté», ajoutent-ils. Et, le président de la fédération, Emmanuel Wakam, est le premier à être indexé.
«Au lendemain de la ligue professionnelle de karaté tenue au Maroc en 2016, le président de la Fédération camerounaise de karaté, Maître Emmanuel Wakam, m’a appelée, au téléphone, au retour de la délégation du Cameroun. Il m’a invitée à le retrouver à l’hôtel des députés où il logeait. Il a précisé que je devais venir directement à la chambre 10 qu’il occupait. Ce qui m’a beaucoup étonnée, car il pouvait bien me recevoir au restaurant, à la salle de réception ou au hall de l’hôtel», raconte notamment Stella Ogandoa Sioma.
Elle poursuit: «Quand j’ai frappé à la porte de sa chambre, il m’a demandé d’entrer. Il n’était vêtu que d’un caleçon. Je me suis assise sur une chaise, mais il m’a demandé de m’asseoir plutôt à côté de lui. J’étais très gênée. Il s’est mis à me faire des promesses notamment de faire de moi une grande championne et surtout de m’emmener au championnat du monde de karaté. J’ai dû inventer une histoire pour m’en aller». L’athlète évoque des représailles suite à son refus. «Par exemple en 2017, je suis championne d’Afrique. J’obtiens une bourse d’études pour la France. Ladite bourse finira par disparaître», précise-t-elle.
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Une autre athlète évoque même une tentative de viol du dirigeant. «Arrivé au Maroc, le président de la fédération m’a invitée dans sa chambre. Il a fermé la porte à clef. Il m’a dit que j’étais sa fiancée. Qu’il m’appelle souvent sa fiancée et qu’il était temps que l’on consomme le mariage. Il a sorti une grosse somme d’argent, m’a proposé de l’argent pour coucher avec lui. Je lui ai dit que je le considérais comme un père et qu’il était inadmissible pour moi d’entretenir des rapports sexuels avec lui. Il m’a tenue violemment par la culotte et a entrepris de me déshabiller par force. Je me suis débattue en faisant beaucoup de bruit», témoigne Ornella Ngo Hiol.
D’autres témoignages mettent à jour les pratiques de certains entraîneurs et encadreurs des athlètes.
Des accusations niées en bloc par le principal incriminé. «En tant que président de cette fédération que je gère depuis 10 ans, je n’ai jamais, et je ne ferais jamais les actes odieux… qui amènent l’homme à une dégradation… Ce genre de dépravation, je ne m’y livre pas en tant que président de la fédération», déclare Emmanuel Wakam dans une vidéo sur Internet. On attend toujours la réaction des instances dirigeantes du sport camerounais sur ces scandales.