Pour les habitants de cette zone frontalière entre le Sénégal et la Mauritanie, Rosso est un seul lieu, partagé par deux villes jumelles implantées de part et d’autre du fleuve Sénégal. Deux cités qui devraient bientôt être reliées par un pont, dans le cadre d’un projet commun financé par plusieurs partenaires. Si le financement est bouclé, le démarrage des travaux, quant à lui, tarde.
Mais en attendant cette infrastructure, la vie des deux Rosso est rythmée par les traversées des deux ferries, les fameux bacs permettant de relier les rives Nord et Sud du fleuve. Et cette navette remonte à 1950, d'après Omar Fall, DG de la Société des bacs de Mauritanie qui rappelle l’importance stratégique de la ville et annonce des perspectives nouvelles, au-delà de la réalisation du pont sur le fleuve. Selon lui, "l’histoire de cette ville est intimement liée au fleuve, le Sénégal, un cours d’eau qui sépare les territoires de Mauritanie et de la République du Sénégal".
Lire aussi : Vidéo. Mauritanie: à Rosso, le Covid-19, une catastrophe pour les sociétés d'évènementiel
Avant l'arrivée des ferries, les populations se sont toujours servies des pirogues pour aller d'une rive à l'autre. Puis, a été acquis un premier bac mis en service au milieu des années 1950, avant qu'un deuxième ne s'y ajoute.
Aujourd'hui, les 2 engins en exploitation, d'une capacité de 100 tonnes chacun, sont le fruit de la coopération mauritano-allemande et appartiennent à la Société des bacs de Mauritanie (SBM), opérateur exclusif chargé d’assurer la traversée du fleuve.
Chaque jour, des dizaines de camions, de véhicules légers, des centaines de personnes et des milliers de tonnes de marchandises vont d'une rive à l'autre. A cela s'ajoutent aussi les pirogues, moyens de transport traditionnel équipés de moteurs hors-bord, que certains préfèrent pour leur rapidité et l'absence de formalité. En effet, organisés comme des petits bateaux-taxis, ils offrent un délai d'attente moins long.
Ces incessants va-et-vient sont synonymes d'intenses activités économiques pour les populations des deux rives, mais aussi les services des douanes mauritaniens et sénégalais et les deux municipalités. Ainsi, la SBM emploie en permanence plus de 100 Mauritaniens, mais aussi quelques Sénégalais. Outre les conducteurs et techniciens, il y a les manutentionnaires et même des facilitateurs qui tirent leurs revenus de la maîtrise qu'ils ont des démarches administratives pour passer d'une rive à l'autre. Car, faut-il le rappeler, il ne suffit pas seulement d'avoir son passeport pour quitter le Sénégal pour la Mauritanie ou vice versa.
Il faut non seulement enregistrer sa sortie du territoire sénégalais auprès de la police des frontières, mais côté mauritanien, il faut passer par la police pour un enrôlement, la douane pour la déclaration des devises et des marchandises, la Banque centrale de Mauritanie pour effectuer obligatoirement du change au moins à hauteur de 50 euros, etc. Et aucune de ces opérations n'est gratuite.
Le chemin inverse est certes moins compliqué, moins coûteux surtout, mais demande des démarches proches qui s'avèrent une réelle tracasserie administrative.
Et puis, ce trafic de rouliers et de personnes a permis à beaucoup d'autres activités de prospérer, comme la restauration et la vente de rafraîchissement dans cette contrée connue pour la canicule et bien sûr, les deux Rosso, surtout celui de la Mauritanie, sont de gigantesques marchés qui se sont créés autour des débarcadères. D’ailleurs, chaque fois que s'arrêtent les ferries pour cause de panne, la vie économique et sociale est sévèrement impactée.
Lire aussi : Mauritanie-Sénégal: les travaux du pont de Rosso démarrent en décembre avec le chinois Poly Changda
Un pont sera bientôt créé sur le fleuve dans le cadre d’un projet entre Etats. Mais cela ne va pas entraîner la mort de la Société des bacs de Mauritanie (SBM), qui se prépare à s’adapter au nouveau contexte. Des études très avancées, menées actuellement permettront de décentraliser nos activités vers les autres régions et de développer le trafic dans de nouveaux points tels que Gouraye, dans la région de Selibaby (extrême Sud-Est) en face du Sénégal, proche du Mali, alors que la Guinée n’est pas très loin.
Les sites de Kaédi et de Toufde-Civet (en face de Matam) rentrent également dans le potentiel des points de traversée après la réalisation du pont sur le fleuve à Rosso.
Les ferries actuels peuvent également être transformés en centres touristiques et commerciaux, en musées flottants. Le ministre de l’Equipement et des transports a évoqué toutes ces perspectives à l’occasion de la visite du président de la République à Rosso, la semaine dernière.