Mi-août, comme chaque année à la saison des pluies, le quartier informel de Makèpè-Missoké est envahi par les eaux, au cœur de la capitale économique du Cameroun. Sous l'effet du réchauffement climatique, les inondations sont de plus en plus fréquentes dans cette ville portuaire de plus de trois millions d'habitants, qui ne cesse de s'étendre.
"Télé grillée, réfrigérateur grillé... Tout est gaspillé", soupire Hummel Tsafack, 35 ans.
"Dès que le tonnerre gronde, on surélève les lits. On a toujours peur ici. L'eau arrive tellement vite", abonde son voisin François, la cinquantaine. Il garde encore un souvenir amer de la crue de l'été 2020 qui avait paralysé la ville et ravagé le quartier.
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Dans sa petite maison imprégnée d'humidité, tous les appareils électro-ménagers sont hors d'usage. Sur le sol, le béton est parsemé de quelques trous. "Cet endroit, on l'a déjà cimenté sept fois. A chaque inondation, ça casse et on doit recommencer".
- Croissance démographique -
"On s'est installé ici parce que c'était moins cher. On ne va pas déménager", prévient-il. Ce quartier précaire se trouve en zone inondable non constructible. Mais des habitants continuent de s'y entasser, poussés par le manque d'espace dans une ville au taux de croissance démographique supérieur à 5,5% par an.
Chaque année, près de 110.000 nouveaux citadins s'installent dans la mégapole et le fossé s'accroît entre l'offre et la demande de terrains disponibles.
Douala est propice aux inondations avec près de 250 km de cours d'eau et des précipitations abondantes qui avoisinent les 4.000 mm en moyenne par an. Elle se situe à l'embouchure du fleuve Wouri, sur un bas plateau côtier, en bordure de l'Océan Atlantique et subit l'influence des marées.
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Les données météorologiques des 20 dernières années indiquent une baisse des précipitations, qui masque une hausse des phénomènes extrêmes, et des épisodes de pluie très violents, provoquant des inondations.
La température de la métropole augmente, comme au niveau planétaire. Selon le dernier rapport des experts climat de l'ONU (Giec), les villes côtières sont en première ligne dans la crise climatique et risquent d'être "éliminées par les inondations à long terme" et par la hausse du niveau des océans.
Selon le Giec, les inondations déplaceront en moyenne 2,7 millions de personnes en Afrique et les coûts liés aux inondations pourraient d'ici 2050 être multipliés par dix, à 60 milliards de dollars par an, dans les 136 plus grandes villes côtières.
- Déchets plastiques -
A Makèpè-Missoké, les déchets plastiques jonchent la rivière. "Regardez tous ces détritus jetés par les riverains. A cela s'ajoute l'ensablement des sols et la colonisation de plantes envahissantes, qui réduisent le lit de la rivière. En cas de fortes pluies, l'eau déborde", explique le spécialiste de l'environnement Didier Yimkwa.
Pour répondre au problème, la ville a construit depuis 2012 une quarantaine de kilomètres de drains. Certains quartiers à risque, insalubres et précaires, ont aussi été aménagés pour permettre leur accès aux services de la ville, notamment ceux de collecte des déchets.
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Mais ordures et détritus sont partout dans les quartiers pauvres de Douala, et les drains sont bien souvent recouverts de plastique, empêchant l'évacuation des eaux.
"On estime que 30% des déchets se perdent dans la nature", souligne auprès de l'AFP le Dr Joseph Magloire Olinga, sous-directeur des études et de la protection de l'environnement de Douala.
Parallèlement, un autre programme a développé un observatoire hydrométéorologique pour collecter des données locales fiables sur la pluviométrie, et prévenir les risques d'inondation. La participation de l'Agence française de développement et de la Banque mondiale est essentielle, rappelle M. Olinga, responsable du suivi du projet "Douala, ville durable".
"La réponse n'est pas suffisante", admet-il néanmoins. "Il faut une alternative sérieuse en matière foncière pour accueillir la population. Cela passe par la densification du centre-ville, et la construction de bâtiments en hauteur, mais certains secteurs sont bloqués par des promoteurs immobiliers qui ont acheté le foncier et ne veulent plus le vendre", explique-t-il.
Certaines zones inondables continuent aussi d'être attribuées à des projets immobiliers, une compétence de l’État.
Dans les quartiers comme celui de Makèpè-Missoké, l'objectif est d'apprendre à vivre avec ce risque d'inondations. "Mais il est certain qu'il faudra aussi faire partir certains habitants pour qui la menace est trop grande", conclut M. Olinga.