L’annonce de la découverte d’Omicron, le dernier variant connu du Sars-CoV-2 en Afrique du Sud, a mis le monde en branle-bas de combat. Déjà échaudés par les effets de Delta, parti de l’Inde avant de se propager partout dans le monde, la plupart des pays ont rapidement pris des mesures draconiennes afin d’éviter l’importation de ce nouveau variant dont on ne sait pas encore grand-chose, hormis son degré de contagiosité et ses nombreuses mutations.
Ainsi, très affectés par le variant Delta qui continue à faire des ravages dans le monde, l’Afrique du Sud et ses voisins d’Afrique australe ont été rapidement mis au banc des accusés et isolés du monde avec les fermetures des frontières initiés par tous les pays, ou presque, avec cette région.
En attendant les deux à trois semaines nécessaires pour avoir une idée sur le nouveau variant, surtout sur sa dangerosité et l’efficacité des vaccins déjà existants, les informations commencent à filtrer. Il en ressort, selon les spécialistes, que le variant Omicron est très différent de la version originale identifiée pour la première fois à Wuhan, en Chine.
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Concernant sa contagiosité, elle semble très élevée, selon les premières informations disponibles et sa propagation rapide dans le monde.
En Afrique du Sud, la majorité des nouvelles contaminations sont déjà liés à Omicron. Et le taux journalier de positivité est en nette augmentation. Le taux de positivité est passé de 3,6% lors de l’annonce de l’identification du nouveau variant, à 24,3% lors des dernières 24 heures. On est ainsi passé d’une moyenne inférieure à 300 cas quotidiens de début à mi-novembre, à plus de 16.000 nouveaux cas durant les dernières 24 heures, contre 11.535 la veille et seulement 2.273 cas trois jours auparavant.
Ces évolutions montrent clairement que le variant Omicron a un grand potentiel de propagation. De plus, l'Afrique du Sud enregistre de nombreux cas de réinfections, ce qui laisse supposer que ce variant échapperait à l’immunité et donc réduirait l’efficacité des vaccins, dans une mesure qui reste à déterminer. Dans tous les cas, les experts avancent que les vaccins resteront efficaces contre les formes graves de la maladie et contribueront à éviter les hospitalisations.
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A cause de la hausse exponentielle des contaminations dues au nouveau variant, l’Afrique du Sud a dépassé la barre de 3 millions de cas officiels enregistrés depuis l’apparition de la pandémie pour un total de 89.944 décès dont 25 au cours des dernières 24 heures. Ces décès n’ont cependant pas été liés au variant Omicron.
Autre signe particulier de ce nouveau variant, en Afrique du Sud, un pic d’infections chez les enfants. Selon le Dr Wassila Jassat, une spécialiste en santé publique de l’Institut national sud-africain pour les maladies contagieuses (NICD), «nous enregistrons une augmentation assez forte dans toutes les tranches d’âge, et particulièrement parmi les moins de 5 ans», ajoutant que «l’incidence chez les moins de 5 ans est maintenant la deuxième plus élevée, juste derrière les plus de 60 ans».
Toutefois, selon les témoignages de Sud-Africains touchés par le variant, les enfants guérissent rapidement, au bout de quelques jours.
Au niveau mondial, une chose est sûre, malgré les fermetures rapides des frontières, le variant est déjà très répandu dans le monde. D’ailleurs, on ignore exactement d’où il provient. Il a été «signalé» pour la première fois au Botswana avant d’être détecté en Afrique du Sud, le 25 novembre dernier.
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En effet, si le variant a été détecté officiellement pour la première fois en Afrique du Sud, cela n’implique pas qu’il y soit apparu, mais le pays dispose de l’une des plus grandes capacités de détection des variants. Ainsi, alors que la découverte du variant a été officiellement annoncé le 26 novembre, «la Belgique, premier pays d’Europe à découvrir un cas sur son territoire, a signalé qu’il s’agissait d’un touriste arrivé le 11 novembre d’Egypte», souligne BBC Afrique. Le variant ayant été identifié pour la première fois le 9 novembre, soit deux jours plus tôt. Et au Royaume-Uni, des cas ont été enregistrés sur des personnes qui n’ont pas d’antécédents de voyage en commun connus.
Même l’OMS ne mentionne pas au niveau de la rubrique «Pays où la présence est enregistrée pour la première fois» le nom d’un pays pour ce qui est du variant Omicron. A la place, l’institution annonce «Plusieurs pays», contrairement aux précédents variants accolés chacun à un pays: Alpha/Royaume Uni, Beta/Afrique du Sud, Gamma/Brésil et Delta/Inde.
Le virus s’est en tout cas propagé rapidement. Il est en effet signalé dans 38 pays de tous les continents. En Afrique, toutes les régions sont désormais touchées. En Afrique de l’Ouest, des cas sont signalés au Nigeria et au Ghana. Au Maghreb, la Tunisie a enregistré vendredi 3 décembre son premier cas du variant Omicron.
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Pour ce qui est de sa dangerosité, si, selon les Sud-Africains, le variant est très contagieux, il semble que contrairement au variant Delta, sa dangerosité n’inquiète pas. «Nous n’avons encore hospitalisé personne. J’ai parlé à d’autres collègues et le tableau est le même», a souligné à la BBC Angelique Coetzee, docteur sud-africain à l’origine de la découverte du nouveau variant. D’après elle, les patients traités présentent des symptômes très légers qui n’ont pas nécessité d’hospitalisation. De plus, contrairement aux autres variants, Omicron ne présente pas de dommages neurologiques avec des pertes d’odorat et/ou de sens, pas de toux, pas de mal à la gorge… Les malades avaient plutôt mal à la tête, le nez qui coulait.
En conséquence, en Afrique du Sud, le nouveau variant Omicron ressemblerait davantage aux virus de rhumes courants. Il est donc doux et n’aurait pas de conséquences graves. Certains pensent que peut-être le virus est en train de devenir l’un des coronavirus communs, comme la grippe ou le rhume saisonnier.
Mieux, après une quinzaine de jours depuis l’annonce de l’apparition du variant, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) spécifie qu’aucun décès lié à Omicron n’a été signalé dans le monde. «Je n’ai vu aucune information rapportant des décès liés à Omicron», a déclaré Christian Lindmeier, porte-parole de l’OMS à Genève.
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Toutefois, pour les experts, il est encore tôt pour déterminer cliniquement la gravité des cas du variant. Et si jusqu’à présent les patients présentent des symptômes plutôt légers, les spécialistes s’attendent à des cas plus sévères dans les prochaines semaines et avertissent qu’il est encore tôt pour tirer des conclusions générales et ce, d’autant plus, que le virus peut se comporter différemment en fonction de la démographie, sachant que les populations africaines, plus exposées aux maladies endémiques, ont tendance à développer certaines résistances relatives face aux virus. D’ailleurs, ceux qui avaient prévus des hécatombes en Afrique à cause de la pandémie de Covid-19 ont été surpris par la résilience des populations africaines face au Sars-CoV-2, alors que les infrastructures sanitaires sont défaillantes et que les populations sont dépourvues de moyens de protections et ont très peu accès aux vaccins anti-Covid-19.
En outre, les autorités sanitaires sont inquiètes du nombre élevé de mutations de l’Omicron. On en recense une cinquantaine, ce qui accroît la transmission et réduit l’efficacité des mesures de protection et/ou l’effet des vaccins disponibles. Des mutations expliquées par certains spécialistes par une évolution sélective et une pression pour échapper à l’effet des vaccins.
Selon le virologue Julian Tang de l’université de Leicester, au Royaume-Uni, qui s'exprimait sur BBC Mundo, «la plupart des mutations de l’Omicron se trouvent dans la protéine spike et le domaine de liaison des récepteurs, deux zones qui jouent un rôle dans la manière dont l’agent pathogène pénètre et se fixe aux cellules. Les modifications sont si nombreuses que les scientifiques craignent que notre corps ne reconnaissent pas le virus si nous entrons à nouveau en contact avec lui, même vaccinés».
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Enfin, l’autre inconnue demeure l’efficacité des vaccins déjà existants face à ce variant. Sur ce point, l’OMS et les fabricants ont besoin d’un peu plus de temps pour avoir une idée nette.
Une chose est toutefois sûre, sans la vaccination d’un plus grand nombre de personnes, la découverte de nouveaux variants ne peut être écartée. En effet, outre le fait de protéger contre les formes les plus graves de la maladie, les vaccins ont un impact significatif sur le ralentissement de la transmission du virus. Or, si certains pays ont beaucoup avancé en matière de vaccination de leurs populations, d’autres pays patinent. En Afrique, seulement 10% de la population totale a reçu au moins une dose, alors que ce taux dépasse les 60% en Europe, aux Etats-Unis, au Canada et en Amérique Latine. Or, pour atteindre une certaine immunité, il faudrait vacciner plus de 80% de la population mondiale.
L’Afrique a besoin de 1,5 milliard de doses pour vacciner 60% de sa population et atteindre un certain seuil d’immunité collective. Or, jusqu’à présent, le continent n’a reçu que 400 millions de doses.
Bref, si les premières informations sont un peu rassurantes, il faudra attendre mi-décembre pour avoir une idée un peu plus claire sur sa propagation, sa dangerosité et peut être sur l’efficacité des vaccins contre ce variant Omicron.